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Concluons. Il existe deux systèmes d’organisation économique. Le premier a pour base le droit de propriété, l’initiative privée et la responsabilité individuelle. Il suppose une collaboration aussi étroite que possible entre les initiatives privées, les groupements intéressés et l’État ; mais c’est sur l’effort personnel de chacun et de tous, c’est sur l’initiative libre de chaque individu et des groupements librement constitués que, d’après cette formule, doit être érigé tout l’édifice de la vie économique du pays.

A cette conception qui était à la base de l’organisation russe avant leur coup d’État, les bolchévistes ont opposé une formule toute différente, qui est la formule communiste. Écartant totalement le principe de l’initiative privée et de la responsabilité individuelle, ils ont tenté de réaliser un régime où la production, la circulation et la répartition des richesses seraient organisées et régies uniquement par la puissance collective de l’État. L’essai fut mené avec une brutalité et une rigueur impitoyables. Il est à noter qu’il se présentait dans des conditions particulièrement favorables sur un territoire immense, largement pourvu de richesses naturelles agricoles, minières, forestières et, par conséquent, en état de se suffire lui-même. La faillite de l’industrie, la faillite de l’agriculture, la faillite des finances, la faillite de la circulation monétaire et, comme conséquence immédiate, la fermeture des usines, le chômage de milliers d’ouvriers, la famine emportant des millions de victimes, tels sont les résultats de cet essai. Nous assistons à une débâcle formidable : ce n’est rien moins que la complète destruction de la vie économique russe, telle qu’elle avait été créée et perfectionnée par toute une série de générations.

Nous avons vu que la « nouvelle politique économique » n’a pas pu arrêter cette débâcle. Est-il vrai que du moins, comme il a été dit en ces derniers temps, les concessions faites par la nouvelle politique économique des Soviets, et notamment la liberté du commerce, ont suffi pour rendre les conditions de la vie plus supportables et rendre même une certaine animation aux grands centres, tels que Moscou et Pétrograd ? Hélas ! cette animation est une animation de surface et, dans une certaine mesure « pathologique, » attendu qu’elle a son origine dans une spéculation