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cours du marché extérieur, un rouble papier valait 0,25 rouble-or. A l’heure actuelle, la circulation dépasse le chiffre astronomique de deux quadrillons de roubles. Elle a, par conséquent, augmenté, en cinq années de régime bolchévique, de cent mille fois. Le cours du rouble est tombé pour le rouble papier, à 1/22 000 000 de rouble or. Le rouble or coûte donc aujourd’hui 22 millions de roubles papier ! Le rouble s’est déprécié, par conséquent, de plus de cinq millions de fois.

La baisse du rouble est tellement rapide que le Gouvernement des Soviets tire de moins en moins de profits de ces émissions de papier. C’est ainsi qu’en 1922, la quantité des roubles en circulation a augmenté de cent vingt fois, tandis que le pouvoir d’achat du rouble a baissé de cent fois.

Telles sont les trois sources où l’Etat soviétique a puisé pour prolonger jusqu’à maintenant son existence. A l’heure actuelle, elles sont presque entièrement taries : les stocks anciens de marchandises sont épuisés, les réserves d’or dilapidées, le pouvoir d’achat du rouble approche de zéro.

Dans ces conditions, il ne reste au Pouvoir bolchévique que les ressources que peuvent lui fournir les impôts : d’un côté, l’impôt en nature sur les paysans et de l’autre l’impôt en argent. Cela ne représente pas, pour une année de bonne récolte, plus de 400 millions de roubles or, somme manifestement insuffisante pour couvrir les dépenses de l’Etat bolchevique, puisque le seul entretien de l’armée rouge exige environ 300 millions de roubles.

Le Gouvernement des Soviets est ainsi acculé à une banqueroute financière inévitable que les diamants de la Couronne n’arrêteront pas. Cette banqueroute provient du défaut de toute concordance entre les ressources que le Gouvernement peut tirer de la population et les besoins qu’il essaie de prendre à sa charge. Le Gouvernement des Soviets n’est pas en état de satisfaire aux besoins les plus élémentaires de l’industrie et des transports. Les moyens lui manquent même pour entretenir les 3 millions de personnes qui continuent encore à rester à la charge du budget soviétique. Cette banqueroute financière a comme résultat une crise aiguë dans l’industrie et dans les transports, qui provoque la fermeture des fabriques et des usines et l’arrêt de circulation sur des tronçons du réseau ferré, des retards considérables dans le paiement des appointements aux fonctionnaires et des salaires aux ouvriers de l’industrie nationale.