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que leur remettre les restes des capitaux dont disposaient les entreprises. Un outillage qui exige des réparations capitales, quelques réserves de matières premières, des stocks des produits qui n’ont pas pu trouver d’acheteurs, — voilà quelles sont les ressources avec lesquelles il a été recommandé aux trusts de « reconstituer l’industrie et en former une base solide pour la vie économique du pays. »

« Supposons même que le trust ait réalisé les stocks et ait obtenu des subventions. Peut-il compter qu’il sera à même d’assurer à ses entreprises les matières premières et le combustible nécessaires à un travail normal ? Dans les conditions actuelles, — non ! Le marché des matières premières est désorganisé, l’état des transports est déplorable, une monnaie stable n’existe pas. Dans ces conditions, le succès est impossible.

« Mais il y a mieux : dans le domaine du travail, les trusts d’Etat sont placés dans des conditions qui paralysent toute entreprise industrielle. Ils ne savent pas quel sera le taux des salaires qu’ils auront à payer, n’ayant pas le droit de fixer eux-mêmes ces salaires. Ce sont les syndicats professionnels qui fixent les salaires, en donnant un effet rétroactif à leurs décisions. Cette situation conduit souvent à des résultats absolument ineptes : ainsi un trust qui a produit en février pour 4 500 millions de roubles a dû, par suite d’une décision de ce genre, doubler en mars les salaires des ouvriers et débourser pour une production de 4 500 millions de roubles, 4 millions de salaires [1] ! »

L’auteur conclut en déclarant que les administrateurs qui gèrent au nom de l’Etat, sans encourir aucune responsabilité, ne pourront jamais atteindre des résultats satisfaisants. « Le

  1. Sous la pression des syndicats professionnels, les salaires sont fixés sans aucun égard aux ressources des entreprises et au prix de vente des produits. C’est ainsi que Rykoff, dans le N° 1 du 1er octobre 1922 de la Vie économique, indique qu’en 1913 un ouvrier métallurgiste fournissait par an, en moyenne, une production de 4 410 roubles-or. Son salaire annuel était de 356 roubles-or, soit 8 p. 100 de la valeur de la production. En 1922, la production moyenne annuelle d’un ouvrier métallurgiste, établie sur les données du premier semestre, est de 636 roubles-or, soit 14 p. 100 de la production de 1913. Dans ces conditions, le salaire de l’ouvrier métallurgiste qui est en 1922 de 150 roubles, tout en ne constituant que 40 p. 100 de son salaire en 1913 est, par rapport à la valeur de sa production, beaucoup plus élevé qu’en 1913. Il constitue presque 25 p. 100 de la valeur de sa production au lieu de 8 p. 100 en 1913.
    Les salaires que touche actuellement l’ouvrier russe sont extrêmement bas par comparaison avec l’avant-guerre : 22 roubles par mois en 1913 contre 8 roubles 22 copecks pendant les 6 premiers mois de 1922 (Vie économique, 13 décembre 1922).