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même force les vies humaines, la population étant implacablement persécutée et terrorisée, afin d’étouffer toute opposition.

Mon intention n’est pas de mettre sous les yeux du lecteur les tableaux d’une terreur sanglante, telle que le monde n’en connaissait pas avant l’arrivée au pouvoir des usurpateurs soviétiques. Mon récit n’ajouterait rien à ce qui est connu du monde entier. Ce ne sont pas mes paroles qui pourraient provoquer une nouvelle vague de commisération envers un peuple malheureux. Moins encore pourraient-elles briser l’indifférence avec laquelle l’humanité assiste, depuis déjà cinq ans, à la tempête d’extermination qui sévit librement sur les plaines infinies de la Russie. Je ne veux pas sortir du cadre précis d’une étude purement économique. Je ne fais pas autre chose que ce que l’explorateur universellement estimé, M. G. Bonvalot, a fait dans sa brochure intitulée : A nos amis d’Amérique. M. Bonvalot établit avec une clarté saisissante le compte des pertes subies par la France dans la lutte pour l’idéal de l’humanité et pour la cause commune, et de celles qu’ont eu à supporter les autres alliés, et il arrive à cette conclusion que « la France doit moins qu’on ne lui doit. » Dans son calcul, remarquable par sa simplicité, il introduit la valeur matérielle, économique de 1 600 000 vies humaines que la France a perdues, non compris les 820 000 blessés et invalides qui sont le legs de la guerre. En adoptant le calcul des économistes qui estiment que tout individu, dans la période active de la vie, représente une valeur évaluée à son gain annuel multiplié par 15, M. Bonvalot, fixant ce gain annuel à 8 000 francs, arrive au chiffre de 120 000 francs pour chaque vie humaine perdue, soit à 192 milliards pour les 1 600 000 victimes françaises de la guerre.

Quel est alors le capital que représente l’ensemble des vies humaines exterminées par le régime bolchevique ?

Ne prenons que deux chiffres :

1° La statistique, publiée par les journaux, des personnes exécutées et exterminées par les bolchévistes, au cours des trois premières années de leur dictature, en exécution des ordres de la maudite Tchéka ;

2° Le nombre des personnes mortes d’inanition pendant la famine de 1921-1922.

Voici le premier de ces deux chiffres que cite entre autres