Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le budget lui-même devra perdre peu à peu son expression monétaire et être rédigé non plus en argent, mais en produits.

Telle est la théorie de l’État communiste dans le domaine de l’organisation économique et financière. C’est cette théorie qui a régi la politique des pouvoirs soviétiques pendant la première période, c’est-à-dire jusqu’au milieu de l’année 1921.

En conformité de cette politique, l’industrie, les transports et le commerce sont nationalisés, l’appareil de crédit est détruit, la Banque d’Etat, les banques privées sont liquidées. Les impôts sont peu à peu supprimés ; l’appareil fiscal, devenu inutile, est anéanti et la levée des impôts en espèces est complètement arrêtée vers la fin de 1919. Le seul impôt qui subsiste est perçu sur les paysans, sous forme de réquisition des excédents agricoles (la « prodrazverstka »), motivée par le fait que la production agricole reste en dehors de la nationalisation. Une autre forme d’impôt est constituée par le travail obligatoire. La source principale des revenus de l’Etat] est constituée par les bénéfices de l’industrie et des transports nationalisés.

Ainsi, pendant cette première période, le Pouvoir soviétique agissait d’après un plan d’ensemble : il mettait en pratique son absurde idéologie avec une volonté de fer, en employant les mesures de coercition les plus brutales et les plus cruelles, en brisant non seulement toute opposition effective, mais l’ombre même et la possibilité d’une opposition, et en détruisant tout l’appareil économique du pays pour tenter d’édifier sur ses ruines l’organisation de l’État communiste. C’est en vain que maintenant, devant l’échec de cette politique, les dirigeants bolchévistes essaient de persuader l’opinion publique à l’étranger (notamment pendant la Conférence de Gênes), qu’ils n’avaient pas l’intention de réaliser le programme communiste intégral et que les mesures qu’ils ont prises ne diffèrent pas sensiblement de la politique « d’étatisme de guerre » que les autres États belligérants ont été forcés d’appliquer pendant les hostilités.

Le bilan de cet essai, qui dura trois ans et demi, peut se définir par deux mots : désorganisation et destruction.

La destruction se manifesta d’une manière particulièrement intense dans le domaine de l’industrie ; mais elle ne s’étendit pas seulement sur les biens matériels ; elle atteignait avec la