Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grandes beautés de son siècle, et présentement il lui en reste assez pour en effacer des jeunes qui prétendent avoir des attraits... Elle a une mine douce et majestueuse qui ne manque jamais d’inspirer... l’amour et le respect... Elle est douce, affable et familière avec tous ceux qui l’approchent et qui ont l’honneur de la servir... Elle a beaucoup d’esprit... Elle parle bien : sa conversation est agréable, elle entend raillerie, ne prend jamais rien de travers, et les conversations délicates et spirituelles lui donnent du plaisir. Elle juge toujours des choses sérieuses selon la raison et le bon sens. »

Ces qualités précieuses sont au nombre de celles que les Français de la fin du siècle admireront dans la personne de Louis XIV ; car le plus remarquable résultat des mariages espagnols, ce ne fut pas la paix assurée entre la France et l’Espagne pendant la régence de Marie de Médicis, mais la naissance du Grand Roi. Albert Sorel dit quelque part que le « don de discernement » et l’« art de régner » « tinrent lieu de génie » à Louis XIII. De son père, Louis XIV hérita ces dons heureux. Mais c’est d’Anne d’Autriche, d’Anne d’Autriche surtout, que Louis XIV reçut sa raison triomphante, son bon sens souverain, sa beauté, sa majesté, sa grâce, son affabilité, cet art de si bien dire, enchantement de sa cour, et cette douceur si égale qu’ « une colère de lui faisait événement. »

Rechercher l’origine de toutes les qualités de Louis XIV serait un jeu assez vain. Disons seulement que son amour des plaisirs, qui scandalise la postérité, et sa passion pour le travail, pour son « métier de roi, » jugé par lui « grand, noble, délicieux, » ne lui venaient certainement pas de la pieuse et indolente Anne d’Autriche.

Mayenne ne vit jamais le fils de Louis XIII et de l’infante. L’ancien ambassadeur extraordinaire à Madrid commandait, au mois de septembre 1621, l’armée royale de Basse-Guyenne sous les remparts de Montauban. La ville, pleine de huguenots rebelles, refusait d’ouvrir ses portes à Louis XIII, Jacques-Nompar de Caumont, marquis de La Force, vice-roi de Navarre et gouverneur de Béarn, s’y était enfermé avec deux de ses fils, les marquis de Castelnau et de Montpouillan, et l’un de ses gendres, le comte d’Orval, fils de Sully. Par une canonnière des assiégeants dont l’ouverture était large, les assiégés pouvaient distinguer le va-et-vient d’une tranchée spacieuse, fort proche