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Escurial laissa à nos Français, qui n’étaient ni poètes, ni romantiques ? Nous avons la bonne fortune de pouvoir satisfaire cette curiosité, une description ayant été écrite par l’un d’eux, et précisément de l’Escurial même.

Il lui parait que les rois d’Espagne ont conquis et dépouillé les Indes pour enrichir ce palais. « C’est un miracle, non une merveille seulement ; les. Espagnols l’appellent la huitième merveille du monde, mais c’est la première. » Les Français « s’ébahissaient, voyant une si grande masse de pierres, tant de corps de logis semblables d’étoffe et de structure, tant de cloîtres, car il y en a dix-sept, si enrichis de tableaux, tant de fontaines par toutes les cours, tant de marbres de toutes sortes, tant de menuiseries de bois précieux apportés des Indes, tant de peintures de tant de bons maîtres, tant de terrasses avec leurs balcons, parterres et fontaines, et tant d’autres excellents ouvrages. »

Notre chroniqueur termine sa lettre en disant « Vous lairray donc dans l’Escurial, sans vous donner la peine de voir les fêtes qu’on nous prépare à Ségovie et à Valladolid… » Comme lui, nous ne suivrons pas le duc de Mayenne, d’étape en étape, jusqu’à la Bidassoa. Le 25 septembre, il était à Bordeaux, où l’on put voir les deux ambassadeurs extraordinaires, Pastraña et lui, qui s’y rencontrèrent, se promener le plus amicalement du monde sur la rive de la Garonne.


VIII

Dès ses premières audiences à l’Alcazar, Puisieux avait écrit à Villeroy : « Je ne doute point que la Reine ne reçoive un très grand contentement de cette infante, laquelle, pour dire vérité (à laquelle, comme vous savez, Monseigneur, Sa Majesté m’a obligé en partant), est belle de corps, d’esprit et de grâce... Je n’ai pas d’opinion qu’elle croisse beaucoup, car elle n’est pas haute pour son âge ; ce sera une beauté délicate, un naturel bénin et complaisant et rempli de douceur. »

Puisieux ne se trompait guère : la petite fille de onze ans qu’il avait vue à Madrid en 1612 ne devint jamais une très grande femme, mais elle demeura toujours « belle de corps, d’esprit et de grâce. » On connaît le célèbre portrait d’Anne d’Autriche par Mme de Motteville : « Elle a été l’une des plus