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Une vieille ceinture de la feue duchesse d’Uceda, pour servir de cordon de chapeau, avec une laide chaîne d’or, vendue huit mille ducats à Philippe III ; le tout, au dire de Vaucelas, valait à peine neuf mille écus.

Puisieux reçut deux mille cinq cents écus, et Vaucelas, pas un sol. Aussi, Vaucelas demanda-t-il à Villeroy de ne pas traiter plus libéralement l’ambassadeur du Roi Catholique ; mais, en même temps il excusait l’Espagne, assurant qu’elle était moins riche que la France. Et c’est Vaucelas qui a raison. Le Roi, en plus du fameux cordon, avait donné au duc de Mayenne quatre chevaux d’Espagne ; le duc d’Albe, deux ; le duc de Maqueda, quatre avec caparaçons de satin à fleurs. Ces présents, sans égaler les richesses du Pérou, ne semblent pas si misérables. Mais il serait difficile d’en dire autant de ceux du duc de Lerme. Malgré son immense fortune de quarante-quatre millions de ducats (quatre cents millions de notre monnaie d’avant la guerre), il n’avait donné que quelques parfums. Le même Vaucelas n’a-t-il pas exagéré en écrivant à Marie de Médicis : « Les Espagnols sont demeurés étonnés du bel équipage en quoi M. de Mayenne est venu, et confessent qu’à ce coup ils ont reçu l’affront jusque dedans leur pays, les étrangers ayant plus paru qu’eux... Le changement de trois livrées en si peu de temps, cet accompagnement si grand de personnes de qualité leur a fait connaître que, quand les Français veulent bien faire, rien ne les peut égaler ; les libéralités dont il a usé ont accompagné le reste de cette splendeur ; bref, ils ont confessé, Espagnols et Italiens mêmes que, de mémoire d’homme, il ne s’était vu en Espagne pareille ambassade. »

L’Etat espagnol ne saurait être blâmé de n’avoir pas engagé d’immenses dépenses pour éblouir les Français. Sa gêne aggravée l’obligea de prendre, pour payer le peu qu’il fit, « même les petites sommes destinées aux enfants et aux veuves des anciens serviteurs de Charles-Quint et de Philippe II ; » et plus tard, on dut augmenter d’autant de maravédis par livre, l’impôt sur la viande. On s’expliquerait donc que Philippe III, ce prince entouré de concussionnaires, qui, selon le mot cruel d’un satirique, mourut comme le Christ, entre des voleurs, se fut « couvert de son deuil, » ainsi qu’on l’a prétendu, pour dépenser le moins possible, remplaçant les fêtes dispendieuses par des honneurs qui du moins n’épuisaient pas le trésor. Un jour, il