Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Don Antoine Arostiqui, secrétaire d’État, écrivain et notaire de Sa Majesté Catholique, s’installa sur un petit banc, à la table cramoisie, et commença la lecture à haute voix du contrat de l’infante. Lecture fastidieuse pour des oreilles françaises, car Don Antoine lisait la version espagnole. Le contrat était rédigé en deux langues. L’exemplaire français ne fut signé que par Mayenne, Puisieux et Vaucelas, comme procureurs du Roi Très-Chrétien et de la Reine sa mère, puis par Lerme, comme procureur du Roi Catholique, père et administrateur de l’infante, et par Antoine Arostiqui. Sur l’exemplaire espagnol, les signatures des Espagnols précédèrent celles des Français.

Le duc de Lerme conduisit le duc de Mayenne dans une autre salle au milieu de laquelle se tenait, sous un dais, le Roi Catholique vêtu de noir, car il n’avait pas quitté le deuil de la Reine, avec l’infante et le prince des Asturies, tous deux vêtus de satin blanc brodé de diamants et de perles.

Alors, par une dérogation à l’étiquette autorisée par le Roi, Mayenne fit d’abord la révérence à l’infante « comme à sa Reine, » à qui il apportait les compliments de toute la France, puis au Roi, puis au prince des Asturies. L’infante avait toujours son air de contentement, et le Roi manifestait discrètement sa joie en se montrant « plus familier en ses discours, qui est un grand extraordinaire. » Il dit combien il avait désiré cette journée, combien « il espérait qu’elle serait utile et honorable à toute la République chrétienne et aux deux couronnes. » Puisieux et Vaucelas font ensuite leurs révérences, et les seigneurs français sont présentés à l’infante et lui baisent la robe. Tandis que Mayenne est mené par un maître d’hôtel auprès de Doña Catarina de la Cerda, « l’un des plus beaux esprits » de la cour de Madrid, et chacun des seigneurs français auprès d’une des dames rangées autour de la salle, les duchesses, et, parmi les duchesses, Mme de Vaucelas habillée à l’espagnole, les grands et le reste des gentilshommes d’Espagne viennent saluer à genoux la jeune reine. Les Français s’étonnent du petit nombre des assistants, et semblent regretter la presse de la première audience. « Il y paraissait si peu de gens, écrit Fontenay-Mareuil, que nous qui étions accoutumés à ces confusions de France dans les moindres cérémonies, nous en trouvâmes surpris, cela ne répondant pas, ce nous semblait, à la grandeur d’un tel roi. »

La nuit est venue. Mayenne retourne en carrosse chez lui,