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et celle des chausses étaient d’une riche lame d’argent ; le bas de soie était blanc ; les mules de velours noir, toutes couvertes de broderies d’or et d’argent, avec l’escarpin blanc, où était une grande enseigne de diamants qui servait de rose ; les gants, la ceinture, les pendants, les gardes de son épée et de sa dague, la cape et le bonnet de velours noir étaient tellement charges de pierreries qu’il serait malaisé d’en dire la valeur. La housse de son cheval était de velours noir, toute en broderie d’or et d’argent, de même façon que celle de son habillement ; la têtière était toute parsemée de diamants : on avait mis au mors, qui était d’or, pour bossettes, deux grandes enseignes de diamants ; et pour ses rênes deux écharpes de toile d’argent découpées et brodées d’or. » Comme on comprend, sans qu’on ait besoin du témoignage de Fontenay-Mareuil, que les dames de Madrid aient préféré les toilettes des Français à celles des Espagnols, « qui ressemblaient plutôt avec leurs longs manteaux et leurs courts cheveux à des gens de robe ou d’Eglise qu’à des cavaliers. »

Le cortège se terminait par « la carrosse » vide du duc de Mayenne, attelée de six chevaux pies (elle en avait huit en quittant Fontainebleau, deux étaient morts en chemin) : vrai char des Métamorphoses d’Ovide, « dont le soleil aurait pris envie d’être le cocher. » Puis deux autres carrosses du duc, attelés également de six chevaux, puis huit du roi d’Espagne « toutes pleines de gentilshommes français. » Ce glorieux cortège se déroula, au milieu de la foule, sous les yeux émerveillés des dames regardant du haut des balcons, jusqu’au Palais.


VI

Dans la grande salle de l’Alcazar, décorée de tapisserie de haute lice, était assis, devant une table de velours cramoisi, Don Cajelan, archevêque de Capoue, légat du Pape et nonce à la cour de Madrid. Les gentilshommes des deux nations se rangèrent le long des barrières qu’on avait préparées ; le duc de Mayenne prit place à droite sur le banc du légat, le duc de Lerme à gauche ; du côté du duc de Mayenne, le vicomte de Puisieux et le baron de Vaucelas, l’ambassadeur du grand-duc de Toscane, puis les membres du Conseil d’Etal, les ducs de l’Infantado, d’Albuquerque, etc. ; du côté du duc de Lerme, parmi les grands, le prince de Tingry.