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faire voler et de les emporter dans l’air, si la pesanteur de leurs pierreries ne leur eût servi de contrepoids. » Ici, M. de Lingendes badine pour amuser sa correspondante ! Sa description d’ailleurs est exacte, confirmée par celles des autres chroniqueurs, si détaillées, si précises qu’il serait dommage de ne leur pas faire de larges emprunts. Tous étaient montés sur les plus beaux chevaux de la cour d’Espagne, habillés de housses de velours noir dont les broderies étaient assorties aux habits des cavaliers.

Leurs pages marchaient sur les ailes de la colonne, avec le bonnet à la main, vêtus de velours vert, de cramoisi rouge ou de tanné, tous avec la cape, la chausse troussée, le bas d’attache, tous chamarrés de clinquant et d’or.

Citons parmi les seigneurs français le sieur de Fontenay-Mareuil, le baron de La Rochefoucauld, le vicomte de Lestrange, le sieur de Chabannes, François de Caumont, comte de Lauzun, et son fils Gabriel, le grand père et le père du Lauzun de la Grande Mademoiselle, et le prince de Tingry dans un splendide habit vert de mer. Mais les regards de la foule étaient sûrement attirés surtout par le duc de Mayenne, chevauchant derrière MM. de Puisieux et de Vaucelas, à la droite du duc de Lerme et des pages royaux, au milieu de ses vingt-cinq pages, marchant la tête nue, et de vingt estafiers, tous vêtus de velours rouge cramoisi, avec bandes de broderie d’or et d’argent au collet, à la cape, à la chausse-bande, avec mêmes bandes à la doublure de satin rouge de la cape, des manches, du collet, du fond des chausses.

... Attirés par M. de Mayenne, — et par l’habit de M. de Mayenne, véritable poème, étincelant, éblouissant, d’une opulence orientale ! La Bruyère ne manquerait pas de dire : « Envoyez-moi cet habit et ces bijoux, je vous quitte de la personne. » Laissons au rédacteur du Mercure français le soin de montrer à La Bruyère et aux lecteurs de la Revue cette merveille d’habit. Avec la subtilité et la richesse verbale d’un chroniqueur mondain d’aujourd’hui, il en a vu et décrit l’ensemble, les détails et les élégances : « Il était de toile d’argent en broderie d’or et d’argent vidé à jour : la cape noire, les chausses des collets étaient faits d’un feuillage de persil avec les encolières ; la première chaîne était d’or et la seconde de perles, et ainsi joints faisaient un feuillage composé de grenades avec un compartiment de persil qui semblait plutôt d’orfèvrerie que de broderie ; le pourpoint, la doublure de la cape