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menés avec la grâce que la nature a donnée à ceux de notre nation par-dessus toutes autres du monde. » Les Français de ce temps-là du moins, le bon vieux temps, ne se dénigraient pas entre eux !

Mayenne occupait donc ses loisirs à courre la bague, à faire des visites aux ambassadeurs, et le soir, et même la nuit, à prendre le frais « au Prado qu’on appelle, grand lieu, » proche de l’hôtel Spinola. Cette promenade célèbre, toute plantée d’ormeaux, était le rendez-vous habituel des dames qui s’y rendaient sur les cinq heures et y passaient une partie de la nuit. Mayenne n’était pas le seul à rechercher la fraîcheur des belles allées. Les autres cavaliers français, on s’en doute, y étaient attirés comme lui, surtout par la beauté des dames « qui ont je ne sais quelle douceur et majesté qu’elles n’ont pas ailleurs, » et qui « trouvaient occasion de leur parler selon leur courtoisie et franche gaillardise. »

Mayenne évitait de s’y faire connaître. Il advint une fois qu’en pensant y aller bien inconnu, il ne put s’empêcher d’être découvert par une dame qui, s’étant arrêtée devant lui, chanta fort doucement une chanson qu’elle jeta ensuite dans « sa carrosse. » Cette chanson que Lingendes jugea digne d’être envoyée à la sœur du duc, disait que la lumière de ses yeux et le parfum suave qui s’exhalait de sa personne, malgré les ténèbres, le révéleraient toujours. Petite chanson, petits vers, petites aventures, que le correspondant de Mlle de Mayenne aurait pu laisser tomber sans dommage pour l’histoire.

Le 12 août, le comte de Salazar, maître d’hôtel du Roi, envoyé par son maître, vint au-devant du vicomte de Puisieux qu’il rencontra tout près de Madrid, et à qui il offrit l’hospitalité dans son propre logis. Puisieux préféra descendre chez le duc de Mayenne. Dès le lundi 13, il reçut la visite du secrétaire Arostiqui, anxieux d’ « éventer quelle était sa charge et les commandements qu’il apportait. » Puisieux remarqua très vite que le Conseil de Castille avait bonne envie de finir cette affaire « et de se décharger de cette troupe française » qui « lui causait peine et dépense. » Le mardi 14, Mayenne et Puisieux eurent une audience du Roi, rentré au Palais dans la nuit du 12 au 13, ensuite une de l’infante. « Elle nous reçut de bon œil, écrivit Puisieux à Marie de Médicis, témoignant en son visage, qui est fort beau, et au peu de paroles