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« chaire, » sous un dais. Ce petit homme à la moustache relevée, qui occupait le trône de son aïeul Charles-Quint, s’était toujours habillé très simplement de drap ou de serge noire. Veuf depuis le mois de novembre, il était vêtu de noir aussi ce jour-là. Il avait son chapeau sur la tête, portait une soutane et un long manteau de frise qui lui descendait jusqu’aux talons. On voyait à sa droite le duc de Lerme, à sa gauche le prince des Asturies (il avait sept ans), dont Vélasquez a éternisé les cheveux roux, la pâleur, la lèvre rouge et pendante. Comme le Roi, le duc de Lerme était couvert en sa qualité de grand d’Espagne. Derrière lui, d’autres grands également couverts, et le marquis de Velada, tête nue.

Deux maîtres d’hôtel du Roi se tenaient à l’entrée de la salle pour conduire le duc de Mayenne auprès de Sa Majesté Catholique ; mais Mayenne s’y trouva porté par la foule, depuis les degrés, « n’ayant, écrit-il, oncques vu au Louvre une telle presse qu’il y avait ici en cette cérémonie. »

Une révérence du duc de Mayenne, sans dire un mot : Philippe III se lève. Trois pas, et une nouvelle révérence : Philippe III ôte son chapeau. Mayenne alors lui baise les mains. Philippe III l’embrasse, se couvre, et lui commande de se couvrir à son tour. Puis, après la présentation des lettres de Sa Majesté Très Chrétienne, Mayenne exprime les remerciements pour les condoléances apportées à Paris par le duc de Feria après la mort de Henri IV, les condoléances pour la mort de la reine d’Espagne, et répond au Roi qui engage la conversation sur les mariages. Il parla longtemps, et le Roi dit depuis « qu’il n’avait jamais ouï personne parler si bien, ni si assurément. » Il salue ensuite comme par hasard, car il ne voulait pas le saluer avant l’infante, le prince des Asturies, qui l’embrasse. Cependant le prince de Tingry (Montmorency-Luxembourg) et une partie des seigneurs français baisent les mains du Roi.

Quelques instants plus tard, on alla dans une autre salle, où l’infante attendait sous un dais, assise sur un carreau d’or. Le duc de Lerme l’assistait, la comtesse d’Altamira, sa gouvernante, se tenait auprès d’elle, et, rangées autour de la pièce, toutes ses dames en noir.

A l’entrée du duc de Mayenne, l’infante oublia de se lever, comme il était d’usage en France, mais elle écouta courtoisement les condoléances et les compliments. Alors dans sa