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L’amiral Grau, d’une famille originaire de Catalogne, passée en Colombie, puis au Pérou avec Bolivar, avait servi comme mousse avant d’être officier dans la marine de guerre du Pérou ; au début, sa carrière avait souffert des troubles civils de sa patrie. Député au Congrès, c’était un marin très expérimenté, plein de ressources, d’une décision rapide et d’un courage intrépide. Fière d’un tel chef et de tels marins, sa patrie sentit tout ce que cette mort venait de lui enlever. Au Chili, l’ivresse de la victoire n’empêcha pas l’opinion publique de rendre hommage à sa mémoire, qui fut entourée d’une respectueuse admiration, comme l’avait été celle du commandant Arthur Pratt au Pérou.

Dans le monde entier, la marine de toutes les Puissances avait suivi les opérations navales avec un intérêt passionné. C’est la première fois que des bâtiments cuirassés combattaient, et une foule d’enseignements utiles en découlaient pour l’emploi de l’artillerie et de l’éperon, du cuirassement, des tourelles, etc... Ces études sur un matériel depuis longtemps démodé ont elles-mêmes vieilli. Mais certaines de ces leçons restent de tous les temps : la maîtrise de la mer, la nécessité de l’instruction et de l’organisation, la force du caractère gardent toujours leur capitale importance.


Le Chili avait commencé la guerre continentale par l’occupation de la zone maritime bolivienne, la province d’Atacama ; mais, à part le petit engagement de Calama, où une poignée d’hommes avait combattu pour l’honneur sous la direction d’un sous-préfet, aucune opération n’avait été tentée à terre pendant la guerre maritime : la Bolivie était protégée par un désert qui couvrait la barrière des Andes, et l’attaque du Pérou nécessitait la maîtrise de la mer, que le Huascar était arrivé à disputer pendant huit mois sous le commandement de l’amiral Grau.

Pendant cette période, les deux partis avaient levé et organisé leur armée ; le matériel nécessaire était venu d’Europe par le détroit de Magellan pour le Chili, par le chemin de fer de Panama pour le Pérou, et même quelques milliers de fusils étaient parvenus en Bolivie par Buenos-Ayres. Au Chili, les bataillons avaient été portés de 300 à 1 200 hommes, la Garde Nationale avait formé un grand nombre d’unités et l’armée de