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sans amener son pavillon, et il fallut un troisième choc pour la couler. Sur les 200 hommes d’équipage, les embarcations du Huascar ne purent recueillir que 60 naufragés.

Pendant les quatre heures qu’avait duré ce combat, un autre duel se déroulait. La Cavadonga avait attiré la Independencia à dix milles au Sud d’Iquique, et le capitaine Condell, qui connaissait admirablement ces parages, manœuvra sur un banc rocheux à faible profondeur, que son tirant d’eau lui permettait de franchir ; la frégate péruvienne, qui calait davantage, s’y échoua. Alors la Cavadonga revint sur elle, et, se plaçant de façon à éviter le feu de son ennemi immobilisé, commença un tir à courte portée, qui dura jusqu’à l’arrivée du Huascar victorieux. La Cavadonga s’échappa alors, pendant que le monilor était occupé à sauver l’équipage de la Independencia.

Le combat s’était déroulé devant les troupes péruviennes et toute la population d’Iquique. Les marins péruviens et tous les spectateurs étaient remplis d’admiration pour l’héroïsme du commandant Arthur Pratt, et le témoignaient hautement. Le commandant Grau rendit à sa mémoire un éclatant hommage et écrivit à sa veuve, en lui envoyant les souvenirs recueillis sur le corps du héros, une lettre qui honore les deux ennemis.

Bien que la perte de la Esmeralda fût loin de compenser celle de la Independencia, le Pérou fêta comme une victoire cette journée glorieuse pour la nation.

Mais la supériorité navale du Chili, déjà très grande, devenait écrasante. Le Huascar restait seul pour disputer à la flotte chilienne la maîtrise de la mer.

Le vaillant commandant Grau reçut l’ordre formel d’éviter tout engagement avec les cuirassés de l’ennemi, tout en menaçant ses communications, son ravitaillement et ses côtes. Le commandant Grau comprit si bien sa mission que, pendant tout le temps que le pavillon péruvien flotta sur son monitor, l’ennemi ne put entreprendre aucune opération sérieuse.

Le 9 juillet, à minuit, il força le blocus d’Iquique, rencontrant successivement dans l’obscurité trois navires ennemis : un transport, un sloop de guerre et un cuirassé ; l’adroite manœuvre et la décision hardie du capitaine La Torre, qui commandait le sloop, sauva le transport, et l’arrivée du cuirassé sauva le sloop, mais le Huascar était passé. Il rallie la Union, et, de conserve avec cette petite corvette, exécute une fructueuse