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de celui des Soviets qui ont l’un et l’autre intérêt à supprimer leur indépendance. La Lithuanie, qui forme le pont entre l’Allemagne et la Russie soviétique, est à surveiller de près.

A Lausanne, après bien des avatars et des incidents étranges, on paraissait, le 4 février à midi, à peu près certain de signer la paix le jour même, avant l’heure, irrévocablement fixée, où le Simplon-Express devait emporter lord Curzon : les plénipotentiaires turcs avaient cédé sur la plupart des points en litige et paraissaient apprécier les concessions considérables, peut-être dangereuses pour l’avenir, auxquelles consentaient les Alliés pressés d’en finir ; ils résistaient cependant encore et c’était sur les points qui intéressaient particulièrement la délégation française : les articles financiers et économiques et le statut des étrangers ; dans la soirée, cette résistance, au lieu de fléchir, se raidit, comme si les Turcs cherchaient une rupture et voulaient en rejeter sur la France la responsabilité : jeu maladroit et malséant auquel on ne veut pas croire qu’Ismet Pacha se soit prêté ! Quoi qu’il en soit, dans la soirée, lord Curzon montait dans son train ; tout était rompu ; la Conférence de Lausanne échouait piteusement au port. Mais le lendemain matin 3 février, Ismet pacha, dans un entretien avec M. Bompard, cédait sur les deux points en litige et, à quelques réserves près, se déclarait prêt à signer ? toutefois il préférait se rendre à Angora pour en rapporter l’approbation de Moustapha Kemal et de l’Assemblée. M. Poincaré, informé, insistait pour qu’il signât tout de suite, et lord Curzon, pour couper court à de nouveaux marchandages, demandait à la délégation turque de présenter elle-même un texte écrit sur les points en litige. Ismet pacha se dérobait. Les délégations quittaient Lausanne. La conférence n’est pas rompue ; elle est ajournée. En retardant indéfiniment la signature de la paix, les Turcs ne comprennent-ils pas qu’ils font le jeu de leurs adversaires et qu’ils donnent, au Gouvernement hellénique qui souhaite la guerre, le temps de la préparer et l’occasion de la précipiter ? Nous avons, sur le Rhin, des difficultés, mais le danger est en Europe orientale,


RENE PINON.


Le Directeur-Gérant : RENE DOUMIC.