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développée avec beaucoup de force : il faut résister, mais le but de la résistance doit être d’arriver à un accord ; « si Poincaré, comme le soutiennent les feuilles nationalistes, n’était qu’un soudard ivre, notre situation serait aussi simple que favorable ; » à quoi bon tromper le peuple ? pourquoi ne pas « parler simplement de la tentative que fait un pays banqueroutier pour rétablir ses finances en allant chercher le montant de ses créances chez un débiteur encore plus banqueroutier ?... Mieux encore : ayons le courage de parler de l’interdépendance dans laquelle se trouvent le fer français et le charbon allemand. Disons que la forge française a absolument besoin du coke allemand, de même que la forge allemande a besoin du fer français... » Milferding, au Congrès du parti socialiste à Lille, parle de la nécessité morale des réparations. Enfin le Vorwaerts du 2 février, après avoir critiqué les énormes dépenses que l’Allemagne s’impose « pour venir en aide aux habitants de la Ruhr c’est-à-dire les payer et les nourrir à ne rien faire, » et déclaré que « l’État allemand n’est plus qu’une fabrique de fausse monnaie, » écrit ces lignes qu’il faut relever, parce qu’elles renferment une part souvent méconnue de profonde vérité : « Cette situation prouve, une fois de plus, que les Allemands manquent de toute conscience civique. Chez eux ce n’est que le sentiment national qui est puissant. Cette particularité du peuple allemand rend très difficile les relations avec lui. Nous avons devant nous une nationalité et non pas un État. On ne traite pas avec une nationalité. Il n’y a pas de rapports de droit entre des nationalités ; il n’y en a qu’entre États. Le traité de paix n’a pas été exécuté, parce qu’une des parties était inexistante. » Les milieux financiers eux aussi s’alarment et leur inquiétude les achemine vers des conclusions qui se rapprochent de celles des socialistes. Le 26, Le Berliner Börsen Courier publie, non sans précautions oratoires, un article où M. Arnold Rechberg montre, avec beaucoup de courage, que l’Allemagne est responsable de la situation actuelle, et aboutit à un projet de collaboration économique avec la France qui se rapproche de celui qu’a développé à la tribune M. le député Paul Reynaud. .

Plusieurs journaux allemands (notamment le Berliner Bôrsen Courier du 2 février), partisans d’une négociation avec la France, demandent que la France publie ses « buts de guerre, » énonce ses exigences. M. Poincaré a répondu, sans entrer dans le détail, au dîner annuel de l’Association des journalistes républicains le 4 février : « Que voulons-nous ? Deux choses : être dédommagés de nos ruines