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nouvelle : la France est militariste et chauvine ; les réparations, les manquements, ne sont pour elle qu’un prétexte derrière lequel se cachent ses appétits de conquête ; son but est de démembrer l’Allemagne, d’en séparer la Rhénanie et la Ruhr pour anéantir sa puissance économique, politique et militaire. On l’a si bien répété que beaucoup d’Allemands sont arrivés à le croire de bonne foi. N’en trouvent-ils pas d’ailleurs la confirmation dans certains journaux français d’extrême gauche, qui prêtent à M. Poincaré ces mêmes desseins, dans la presse libérale anglaise et dans les articles de M. Lloyd George ? A la conférence de l’Internationale syndicale à Amsterdam, le 28 janvier, les délégués allemands ont insisté auprès de M. J.-H. Thomas, le député travailliste anglais, pour que les troupes britanniques ne soient pas retirées de Cologne, « car c’est leur présence qui empêche les Français de faire de la Ruhr une nouvelle Alsace-Lorraine. » Le plan d’offensive consiste surtout à priver la France de coke ; elle ne produit que 17 p. 100 du coke nécessaire à sa métallurgie, il lui faudra en acheter en Angleterre et le franc tombera. Mais le Gouvernement français et la métallurgie, qui ont prévu cet inconvénient, n’en paraissent pas émus, et c’est en Allemagne que l’inquiétude grandit.

Pour qui suit attentivement le langage de la presse allemande, le fléchissement, depuis quelques jours, est très sensible. Vers le 15 janvier, la presse déclare que le Traité de Versailles, déchiré par la France, n’existe plus ; mais dès le 26 ou le 27 le ton change ; le Traité, on ne l’a pas dénoncé, on a seulement dit qu’on ne l’appliquerait pas tant que les troupes franco-belges seraient dans la Ruhr ; le 29, la Gazette de Francfort, qui donne le ton, déclare que « l’Allemagne est toujours prête à exécuter le Traité. » Les socialistes s’y montrent disposés dès maintenant et demandent qu’on entame des négociations. Le Vorwaerts qui, vers le 15, prêchait la grève générale, prétend, le 26, n’y avoir jamais songé. L’excitation nationaliste provoquée par le Gouvernement des grands industriels favorise la propagande communiste en même temps qu’elle renforce les corps francs réactionnaires : double sujet d’alarme pour les social-démocrates. Dès le 26, M. Breitscheid, au Reichstag, déclare, approuvé par ses amis : « Nous voulions et nous espérions une entente avec la France et nous sommes encore aujourd’hui d’avis que la paix du monde ne peut être édifiée sans une entente entre la France et l’Allemagne. » Le 29, dans la revue de Helphand, dit Parvus, die Glocke, nous trouvons, sous la signature de M. Erich Kuttner, une thèse de même esprit