Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 13.djvu/947

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bolchévistes de révolution universelle, proclamée à Rapallo, préparait à l’Europe épuisée un sanglant réveil. La colère allemande s’épanche en un fleuve d’injures et de violences ; les procédés lâches et cyniques dont furent victimes, en août 1914, l’ambassadeur et les agents diplomatiques français se renouvellent ; la police reste cachée ; la complicité des autorités n’est pas douteuse. À Munich, c’est le ministre de France, M. Dard, auquel le Gouvernement signifie qu’il ne répond pas de sa sécurité ; à Carlsruhe, c’est le Consul de France qui est boycotté, privé de vivres ; çà et là, ce sont des officiers de la mission interalliée de contrôle, parfois même de simples particuliers voyageant pour leurs affaires, que l’on oblige à descendre des trains, que l’on couvre d’injures et de crachats, qui sont frappés et bousculés ; à Kœnigsberg, les incidents sont si violents que le Gouvernement se croit obligé de présenter des excuses ; à Francfort, un officier belge et sa femme sont poursuivis jusque dans leur chambre d’hôtel ; à Langensalza, ce sont des cercueils de prisonniers morts de privations et de mauvais traitements, que l’on outrage. Dans la presse, c’est un débordement d’injures et de calomnies contre la France et M. Poincaré, que reprennent, comme un orchestre stylé, les journaux germanophiles de tous les pays. À ces provocations, dont le but est d’entraîner des représailles qui permettraient de représenter l’Allemagne comme violentée et opprimée, la France et la Belgique opposent le calme de leurs représentants et le sang-froid de leurs soldats. Que le monde compare et juge !

La France n’a pas dévié de ses intentions originelles, mais ce qu’elle avait espéré accomplir à l’amiable, il lui faut l’obtenir par la contrainte et déjouer des manœuvres hostiles. Les premières semaines ont vu la rage allemande grandir et s’épancher, mais ce paroxysme de délire semble passé ; le Gouvernement, qui l’avait déchaîné, s’est vu débordé et contraint de donner à ses fonctionnaires, qui sont partout les metteurs en scène de cette indignation qu’on voudrait faire passer pour nationale, des instructions plus lénifiantes. Une résistance passive, méthodique, s’organise : pour cette bataille économique très âpre que les magnats de l’industrie nous imposent à l’encontre des intérêts de leur propre pays, il faut nous armer : de là cette période pénible, difficile, de préparation que nous traversons. On ne pouvait tout prévoir et il n’est pas certain que l’on ait prévu tout ce qui pouvait l’être. Quoi qu’on fasse, la solution ne paraît pas proche ; l’Allemagne ayant pris le chemin qui l’en éloigne le plus, il faut attendre sans impatience qu’un détour la rapproche. Les événements ont prouvé