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Chronique 14 février 1923

CHRONIQUE DE LA QUINZAINE

Un mois s’est écoulé depuis que les troupes franco-belges ont occupé le bassin minier de la Ruhr ; l’expérience se poursuit normalement dans les conditions que le Gouvernement allemand, instrument des grands industriels, a lui-même choisies. C’est lui qui a voulu livrer une bataille d’opinion et entamer une guerre économique, et s’il s’effraye aujourd’hui, c’est devant son œuvre : le général Degoutte, qui a dirigé toute l’opération avec tant de prudence et de fermeté, l’a rappelé à bon droit dans des déclarations aux représentants de la presse française. Les Gouvernements français et belge, en prenant les mesures indispensables pour sauvegarder leurs droits et leurs intérêts, avaient manifesté leur intention de ne pas troubler la vie et le travail des populations. Si le Gouvernement allemand s’était prêté, comme c’était son devoir, à un contrôle et à des perceptions légitimes, les troupes auraient pu être retirées au bout de peu de jours ; il est intervenu dans l’espoir de compliquer et de faire échouer l’entreprise franco-belge ; c’est donc lui qui a opté ; il a réussi à rendre l’expérience plus difficile, mais le succès n’en sera que plus concluant.

Le signal, parti du Gouvernement, a déchaîné dans toute l’Allemagne une tempête de haine et de violence. Il se formait, depuis 1918, dans l’âme allemande ulcérée par la défaite, un formidable dépôt de rancune et de rage impuissante ; ce peuple a subi une trop profonde intoxication d’orgueil national, pour qu’une seule leçon suffise à le guérir ; tant qu’il gardera cette mentalité, il restera pour la paix et la sécurité de l’Europe un péril dont il serait téméraire de ne pas tenir compte. L’acte d’énergie des Gouvernements alliés a ouvert l’abcès et révélé le mal. Il n’était que temps : la conjonction de la revanche allemande et des appétits