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insistance. Vertu d’un mot ! Chaque fois que revient le mot qui déridait nos pères, c’est une tempête de rires dans la salle. El c’est sur ce déchaînement de gaîté que s’achève le second acte.

Vous croirez sans peine qu’au dernier acte tout s’arrange et précisément grâce à ce qui aurait dû tout gâter. Hubert est un sot ; mais c’est un sot qui a de la délicatesse : il se réconcilie avec Henri. Et ce dernier incident le décide à épouser Gisèle : il y a une logique de théâtre qui n’est pas absolument la logique de la vie. Jack, dont tout le monde avait cru jusqu’ici qu’il ne comprenait pas le français, se met à le baragouiner. C’est pour révéler à Henri Lévrier qu’il est aimé d’Yvonne et lui conseiller de l’épouser. Ses deux filles mariées ! Le rêve étoilé de Mme Bourgeon ! La digne dame y entre majestueusement, aux applaudissements répétés de toute la salle.

Comme c’est l’habitude des pièces très bien venues, la pièce de MM. de Flers et de Croisset est très bien jouée. Mme Cheirel est, dans le rôle de Mme Bourgeon, d’un comique tumultueux qui emplit la scène. Le jeu de M. Victor Boucher vaut, au contraire, par sa sobriété, par la sûreté de chaque geste et de chaque intonation. M. Lefaur a composé un type de sottise prétentieuse si exact, qu’on ne peut s’empêcher d’y mettre des noms de contemporains. Mme Ellen Andrée est très amusante dans le rôle d’une vieille dame un peu en enfance, et Mlle Betty Daussmond est très séduisante en Gisèle. M. Luguet dans le rôle du jeune Anglais est Anglais de la te te aux pieds. Un bien joli succès de jeunesse et de grâce a été pour Mlle Blanche Montel qui faisait ses débuts dans le rôle d’Yvonne.


La Couturière de Lunéville est une des pièces les plus originales et les plus ingénieuses que nous ayons vues depuis longtemps. Si souvent la pièce qu’on nous donne pour nouvelle, n’est que du vieux neuf ! Même cercle de sentiments convenus, mêmes situations ressassées à l’infini, mêmes types fabriqués tout exprès pour la scène, mêmes plaisanteries qui font le tour des théâtres parisiens, comme les figurants qui reparaissent dans les parades du cirque. Tant de fois on sent que l’auteur a fait sa pièce sans autre idée que de faire une pièce ! M. Alfred Savoir a eu une idée de pièce, — idée de moraliste et idée d’homme de théâtre.

Est-ce toujours pour ce qu’il y a de meilleur en elle que nous aimons une femme ? Tendresse, bonté, fidélité, de quelle ardente supplication nous les implorons ! Et nous promettons en retour un amour éternel. Mais telles sont les contradictions du cœur : c’est