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conservé dans le répertoire de nos concerts la place qui leur est due. Pour l’honneur de la musique, et de la nôtre, chez nous, il est regrettable que la Croisade n’ait été jouée cent fois et plus qu’à l’étranger, voire à l’ennemi. Nous souhaitons que Cydalise obtienne et garde la faveur, enfin déclarée, du public. Puisse la grâce de cette musique être la plus forte ! Sur la scène de l’Opéra, M. Pierné vient de faire ses premiers pas. Ils ont été délicieux.

Cydalise et le Chèvre-pied. Ce titre seul est heureux. Il oppose et réunit d’avance les deux éléments qui se partagent le scénario, — l’on peut dire le poème, — et la musique. Le premier est la nature, et la nature antique ; l’art, celui du XVIIe siècle, celui de Versailles, voilà le second. Et Versailles même, son parc et ses bois, est le lieu, le lien aussi de leur rencontre. Celle-ci commence par nous divertir ; à la fin. pendant un moment, elle n’est pas loin de nous émouvoir.

Le premier acte pourrait s’appeler, comme une comédie du bon Capus, les Deux Ecoles. Ecole de garçons (des faunes) ; école de filles (des nymphes). Pour les deux sexes, sous la direction d’un gouverneur et d’une gouvernante, école de musique, plus spécialement de flûte, et de danse. Un des jeunes écoliers, Styrax, ayant fait preuve d’indiscipline scolaire et d’inclination un peu trop tendre pour sa jolie condisciple Mnésilla, ses camarades, sur l’ordre du maître, l’attachent par des guirlandes au poteau qui marque les chemins de la forêt. On l’abandonne ainsi lié. Mais presque aussitôt Mnésilla revient furtive, le délie et le quitte à son tour. Délivré, gambadant, l’espiègle découvre parmi les feuillages une statue de l’Amour. L’ignorant s’en moque et lui jette, à poignées, châtaignes et pommes de pin. En retour, une flèche l’atteint et lui fait une piqûre légère. Vient à passer un carrosse, emmenant à Versailles danseurs et danseuses pour un divertissement de cour. D’un bond, le petit chèvrepied saute sur le coffre d’arrière et se blottit dedans. C’est le premier tableau.

Second tableau : dans les jardins de Versailles se danse le ballet de la Sultane des Indes. Cydalise y triomphe. Un fermier général et un capitaine des gardes se disputent, ou se partagent ses faveurs. Mais soudain, sortant de son panier, survient un troisième larron. Avec sa jeunesse, sa grâce libre et hardie, il entre dans la danse, dans la danse classique, la bouscule et bientôt la transforme, entraînant Cydalise, d’abord étonnée, puis ravie, en un tourbillon de joie, de folle, d’amoureuse joie.

Sous les combles du château (scène dernière), dans la loge aménagée