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laquelle il espérait voir adhérer l’Argentine, alors en discussion avec le Chili pour la possession de la Patagonie : les fusils de l’infanterie étaient de modèles disparates, et variaient presque par régiment ; et cette diversité compliquait l’approvisionnement en munitions, médiocrement assuré au début de la campagne ; l’artillerie était armée de canons de bronze fondus à Lima et qui ne pouvaient lutter contre les canons Krupp : au combat, les canonniers, métis pour la plupart, préféraient leur mousqueton à leur pièce. Les noirs fournissaient un bon recrutement à la cavalerie, mais elle était peu nombreuse et pitoyablement montée.

L’effectif des troupes boliviennes était en temps de paix de 2 200 hommes, mais elles possédaient pour tout armement 1 500 Remington et de vieux fusils à pierre. L’action de Santa Cruz avait disparu dans ces troupes prétoriennes, qui faisaient et défaisaient les Présidents de la République, et chez elles le souci de la politique primait complètement celui de l’instruction militaire. Pourtant les Aymaras qui forment le fond des deux millions de sujets boliviens valent les Guetchuas du Pérou, et ces rudes montagnards retrouvèrent en campagne leurs qualités d’endurance, de sobriété et de courage stoïque.


La maîtrise de la mer devait jouer dans cette guerre un rôle capital ; d’abord parce que le ravitaillement en matériel devait venir d’Europe par mer, et surtout parce qu’aucune ligne de communication ne suivait la côte entre les Andes et l’Océan Pacifique, car tous les chemins de fer avaient été construits perpendiculairement au littoral. Au Pérou, la zone maritime, la Costa, privée de pluie, est stérile et désolée, presque déserte, sauf dans les vallées par lesquelles les glaciers des Andes déversent leurs eaux et forment de longues oasis perpendiculairement à la côte. Un désert difficilement franchissable séparait le Pérou du Chili, sur six degrés de latitude, et, pour en venir aux mains, les armées devaient commencer par un transport maritime. Etant donné les faibles effectifs engagés dans cette lutte, la puissance maîtresse de la mer pouvait choisir son point d’attaque, y transporter le théâtre des opérations et garder des communications absolument sûres. En fait, les opérations navales s’étendirent depuis les ports septentrionaux du Pérou