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admet la possibilité n’a pas encore été trouvée, il n’en résulte pas qu’elle ne le sera pas demain ou après.

Il manquait à la décision un peu arbitraire de l’Académie la justification et la sanction d’une démonstration de l’impossibilité de la quadrature du cercle. Elle les obtint après coup.

Esquissée en partie par Lambert dans les « Mémoires de l’Académie de Berlin, » puis par Legendre et par Liouville, la démonstration tant attendue a été définitivement donnée, — en partant d’une méthode suggérée par Hermitte, — par le géomètre allemand Lindmann en 1882.

Il est aujourd’hui acquis, sans appel possible, que la circonférence et son diamètre sont incommensurables entre eux, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de commune mesure de l’une et l’autre, c’est-à-dire qu’il n’existe aucune quantité, si petite soit-elle, qui soit sous-multiple à la fois de la circonférence et de son diamètre.

Si loin qu’on pousse le calcul, et fût-ce jusqu’à la millionième décimale, on n’obtiendra jamais qu’une approximation, non une solution rigoureuse. Bref, la quadrature du cercle est impossible.

Cela n’empêche pas l’Académie des sciences de continuer à en recevoir des solutions presque à chaque séance, et je connais personnellement plusieurs hommes occupant par ailleurs des rangs distingués dans la société qui croient dur comme fer avoir trouvé la solution. Laissons-les à leurs illusions.

Et pourtant… Je disais tout à l’heure que l’impossibilité de la quadrature du cercle a été démontrée sans appel. Mais il s’agit de s’entendre et de préciser.

Les propriétés du cercle et celles du carré, le rapport de la circonférence à son diamètre, tels qu’ils entrent en jeu dans toute l’histoire de la quadrature du cercle que nous venons d’esquisser, ces propriétés, dis-je, sont celles qui sont définies dans la géométrie classique qu’on enseigne exclusivement aujourd’hui dans nos lycées, dans nos petites et grandes écoles. Cette géométrie, c’est la géométrie dont les théorèmes fondamentaux ont été créés et solidement emboîtés autrefois les uns dans les autres par le génie d’Euclide. De là le nom de géométrie euclidienne qu’on donne à la géométrie classique. On a cru longtemps que c’était là la géométrie. Les travaux des savants modernes ont montré qu’il n’en est rien et que la géométrie euclidienne est seulement une des géométries possibles. Kant s’est trompé lorsqu’il a affirmé que les vérités ou pour mieux dire, les affirmations déductives de la géométrie euclidienne étaient des « jugements synthé-