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LITTÉRATURES ÉTRANGÈRES

DEUX ROMANS NOUVEAUX
DE
M. BENNETT [1]

Arthur Charles Prohack descendit comme d’habitude à huit heures et demie précises, et trouva avec satisfaction, son déjeuner servi dans la salle à manger. Il le vit avec plaisir, car il ne détestait rien tant que de se presser. L’enfer, c’était pour lui un pays dont les indigènes avaient toujours un œil fixé sur la pendule et où la pendule marquait toujours un peu d’avance.

La salle à manger, chastement meublée de copies d’un pudique Chippendale, et où régnait cette température à peine tiède que l’Anglo-Saxon n’a pas honte de soutenir qu’il préfère, appartenait à une maison irréprochablement correcte, du style Victoria de 1880 ; et la maison faisait partie d’un square, également correct, situé derrière Hyde Park. Les chauffeurs de taxi, quand on leur donnait cette adresse, avaient besoin de réfléchir un cinquième de seconde avant d’en repérer exactement la position.

M. Prohack était bel homme : la tête et les traits grands, et il portait la barbe. La physionomie respirait une certaine bienveillance, faite d’une indulgence ironique pour les faiblesses humaines. (Le texte dit pour l’humanité de la nature humaine.) Il avait quarante-six ans et il y paraissait. Il était depuis vingt ans au ministère des Finances, où il était quelqu’un. Il était même décoré de l’Ordre du

  1. Arnold Bennett : Mr. Prohack, 1 vol. in-8o, Londres, Methuen, 1922 ; Lilian, in-8o, Londres, Cassel and C°, 1922.