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et même d’intérêts immédiats, mais en même temps, sur la côte méridionale du Pérou et sur le petit littoral bolivien, la découverte de riches gisements de nitrate et de guano ouvrit une ère où frontières, régime d’exploitation, droits de sortie, sont l’objet de discussions de plus en plus âpres.

Les premières découvertes de salpêtre dans la province bolivienne d’Atacama avaient été faites en 1842, et, peu après, le parlement chilien les avait déclarées « propriété nationale. » Le Gouvernement bolivien avait aussitôt protesté, le nombre des ouvriers chiliens augmentait constamment, et le Gouvernement éludait toute réponse. Or chaque jour créait de nouveaux titres à une possession de fait.

En 1863, le parlement bolivien vota une loi ainsi conçue : « Le pouvoir exécutif est autorisé à déclarer la guerre au Gouvernement de la République du Chili si, après avoir épuisé tous les moyens de conciliation par voie diplomatique, il n’obtient pas la restitution du territoire usurpé, ou du moins une solution pacifique compatible avec la dignité nationale. » Cet acte insolite rendait la discussion de plus en plus difficile ; mais, en 1866, la Bolivie tomba entre les mains d’un tyran déséquilibré et sanguinaire, Belgarejo, qui signa avec le Chili un traité abandonnant la moitié du territoire contesté et partageant produits et droits de douane, dans une administration commune, devenue une nouvelle source de contestations. De nouveaux pourparlers inquiétèrent la Bolivie ; le Chili en effet lui demandait la totalité de son territoire maritime, offrant de l’aider à trouver un dédommagement dans les provinces méridionales du Pérou. Aux gisements de guano s’ajoutaient maintenant ceux de nitrate, de plus en plus importants, et une mine d’argent venait d’être découverte ; les entreprises chiliennes augmentaient sans cesse dans toute cette région, y attirant capitaux et ouvriers chiliens. De nombreux documents témoignent de la grande inquiétude du Gouvernement bolivien, qui les exprimait au ministre des États-Unis à la Paz en mêmes termes qu’au Gouvernement péruvien ; le 8 novembre 1872, le parlement bolivien adoptait une loi ainsi conçue : « Le pouvoir exécutif conclura un traité d’alliance défensive avec le Gouvernement du Pérou contre toute agression étrangère. » Les ouvertures faites à Lime en exécution de cette loi sont accueillies avec une grande prudence, car on y craint que, forte