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reconnu ce qu’un pareil établissement vaut pour notre pays, une subvention a été accordée à l’Aurore. Les diplômes qu’on y délivre ont été déclarés équivalents au baccalauréat, des bourses ont été données à quelques-uns des meilleurs élèves, pour qu’ils vinssent continuer leurs études en France. Mais ce ne sont là que des encouragements : un établissement comme celui-ci n’a pas encore ses proportions véritables.


DANS LA CAMPAGNE

Poussé par un dernier désir de retourner vers l’ancienne Chine, je pars cet après-midi de Chang Haï pour Hang-Tcheou. Cette ville, au bord de son lac, qu’un fleuve relie à la mer, occupe la place de la capitale où la civilisation raffinée et efféminée des Song s’épanouit comme un lotus ; elle s’appelait alors Lin ngan, le repos désiré. Marco Polo l’a décrite un peu plus tard, sous le nom de Quinsay, la Capitale ; elle lui apparut comme une Venise encore bien plus merveilleuse que l’autre, avec ses canaux sans nombre, ses douze mille ponts de pierre, au-dessous desquels le mouvement des barques et des navires ne cessait pas, et dont chacun était gardé par dix soldats. C’était une des plus vastes cités du monde, avec ses trois mille bains, ses cent soixante grandes rues, ses seize cent mille maisons. Douze métiers y étaient pratiqués, chacun par des milliers d’hommes, qui travaillaient et besognaient dans les quartiers où ils étaient répartis, mais chaque métier avait un maître qui vivait sans toucher à rien, dans une oisiveté grave et magnifique. Au milieu des quartiers surpeuplés, le palais royal s’étendait comme une ville à lui seul, avec ses mille chambres peintes et dorées, ses parcs, ses eaux, ses vergers aux fruits délectables ; sur les bords du lac se dressaient les temples, les couvents, les maisons de plaisance. Rien ne subsiste de tout ce passé. Les destructions de l’Occident, si brutales qu’elles puissent être, n’égalent point ces effacements. Les choses participent dans les deux mondes à la nature que l’homme y a prise. Tout résiste dans nos monuments : du milieu de leur ruine un débris proteste encore. Ceux d’ici sont bien moins solides, et ils cèdent au temps avec la même docilité que des nuages défaits par le vent : telle est l’âme de l’Asie, où l’on dirait que tout s’apprête à mourir.

Le train court à travers une campagne plate où les canaux