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les nécessites de la main-d’œuvre en pays tropical avaient amené au Pérou la traite des noirs, dont le croisement avec les blancs produisit des mulâtres, et avec les Indiens des Zambos ; après la suppression de la traite, on avait eu recours à l’immigration chinoise. Tous ces mélanges furent épargnés au Chili, où ne subsistent que deux éléments, l’européen et le métis, qui parlent tous deux l’espagnol. Un climat plus tempéré et une population plus homogène, voilà les premiers avantages du Chili sur le Pérou.

Comme conséquence, des qualités plus sérieuses, moins de brillant peut-être, mais plus de fond ; l’ordre et le travail sont en honneur ; les troubles civils étaient vraisemblablement inévitables pendant la période d’organisation, et elle dura au Chili jusque vers 1830, mais la constitution de 1833 y mit fin et la transmission des pouvoirs se fait régulièrement depuis lors. Les troubles civils continuent au contraire à désoler le Pérou périodiquement ; la politique étrangère et les finances s’en ressentent. Il est juste de remarquer qu’au Pérou comme au Chili l’outillage économique est en bonne voie, que des ports se creusent, que des voies ferrées escaladent hardiment la Cordillère des Andes ; mais dans les deux pays le budget est fourni principalement par les recettes douanières, à l’entrée sur les marchandises étrangères, à la sortie sur les produits du sol, métaux, minerais, denrées agricoles, nitrates et guanos. Des gisements de nitrate, exploités par des Chiliens sur le territoire de la Bolivie et du Pérou, ont motivé la guerre du Pacifique.

Entre le Pérou et le Chili s’étendait la Bolivie, dont le territoire montagnard était séparé de la mer par un long désert ; sur la côte, un port et une région riche en nitrate est éloignée du centre national, et l’exploitation de ces ressources est entre les mains d’entreprises chiliennes. Les conquérants espagnols de la Bolivie se sont beaucoup mélangés avec les Indiens Aymaras, race énergique ; et, malgré cette circonstance assez favorable, cette république est l’Etat le plus troublé de l’univers, car il a vu plus de soixante révolutions et six présidents assassinés au cours du XIXe siècle. Cette instabilité constante se répercuterait dans les finances, dans l’organisation et l’armement des troupes et surtout dans la politique étrangère.

Au cours de la période troublée qui avait suivi la libération de l’Amérique espagnole, Bolivar avait essayé de garder une