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Les États-Unis ne sont pas moins intéressés que le Japon au sort de la Chine : c’est pour eux aussi un marché nécessaire et ils ont besoin d’y maintenir à tout prix le principe de la porte ouverte. Mais leur politique suit de tout autres voies que celles des Japonais : ils ne perdent pas une occasion de témoigner au peuple chinois combien ils le prennent au sérieux et de s’offrir à lui en défenseurs de ses droits, en tuteurs respectueux, pour l’aider à parvenir à une organisation moderne. Par une adroite générosité, ils ont abandonné leur part de l’indemnité des Boxers, et ils s’efforcent surtout de répondre au désir d’apprendre dont la jeunesse chinoise est animée. Ils ont établi dans toutes les grandes villes des missions protestantes, largement pourvues d’argent, avec des collèges : ils en ont un, très important, près de Pékin. A Pékin même, un institut Rockfeller va bientôt ouvrir ses laboratoires. Les Chinois se laissent flatter et profitent avec flegme de tous ces bienfaits, sans qu’il soit aisé de démêler leurs sentiments. Si la guerre éclatait entre le Japon et les États-Unis, pour qui feraient-ils des vœux ? Sans doute, quel que fût l’événement, ils s’en accommoderaient : si les États-Unis l’emportaient, ils se rappelleraient tous les affronts que les nains, comme ils disent, leur ont fait subir, et se trouveraient vengés. Mais si le Japon était vainqueur, leur jouissance d’orgueil serait sans doute autrement profonde et ils verraient en lui le champion de toute la race jaune.

Quant à la France, on ne saurait parler d’elle sans parler d’abord de la guerre : celle-ci a été suivie en Chine aussi attentivement qu’ailleurs, mais, comme il est naturel, les sentiments qu’elle a suscités sont en rapport avec le milieu où ils se sont produits. Ce que les Chinois ont vu d’abord dans la guerre, c’est le spectacle de la discorde des blancs. Ce qu’ils en ont retenu, ce sont les idées, les nouveaux principes qu’on a largement répandus à cette occasion et qu’ils ne se font pas faute d’invoquer à leur avantage. Les Puissances alliées ayant obtenu, sans qu’on distingue clairement ce qu’elles y ont gagné, que la Chine se déclarât pour elles, celle-ci a vu l’Allemagne et l’Autriche perdre les privilèges qu’elles avaient sur son territoire, la Russie abandonner les siens, et elle attend à présent que les autres nations en fassent autant. L’Allemagne, avant la guerre, exerçait ici un grand prestige. L’ordre et la prospérité qu’elle avait fait régner dans sa colonie, la façon large et hardie dont ses