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DANS
LA CHINE D’AUJOURD’HUI
(JUIN-DÉCEMBRE 1920)

IV [1]
LES VILLES


NANKIN

Je voudrais peindre Nankin d’un pinceau léger, comme je l’ai vue, dans une lumière aussi sereine que celle de Pékin, mais plus molle et plus moelleuse, tandis qu’une lune blanche, presque invisible, passait à travers l’azur comme pour attendrir encore le jour ; Nankin que l’insurrection des Taïpings a démeublée, presque détruite, trop au large dans son enceinte immense, Nankin et sa campagne urbaine et emmurée, avec des feuillages chauffés et jaunis, la blancheur fine et brillante de quelques chèvres, et les gras petits potagers qu’interrompait partout la clarté plane de l’eau ; et ces eaux, bassins limpides, canaux abondants, où un petit pont, plus qu’à demi sphérique, élevait sur son arche mince un passant fluet et fondu dans l’air, pareil à ceux que Guardi, dans ses tableaux, crée d’une seule touche, ou bien à ceux qu’on voit au bas des fresques de la maison de Livie, à Rome ; et les autres passants qui flânaient dans cette lumière où ils semblaient en vacances, et, par endroits, les toits d’un temple, cornus et coloriés comme de riches sabots, et, çà et là, les bosses des tombes, et au fond, le flanc simple et nu de la montagne, velouté par le jour ; et la ville,

  1. Voyez la Revue des 15 octobre et 15 novembre 1922 et du 1er janvier 1923.