Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 13.djvu/826

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

messe, travaillé avec son ministre de l’Intérieur et déjeuné sommairement, le Tsar vint dire adieu à sa femme avant de se rendre à la parade de la garde. Tenant une de ses fillettes sur ses genoux, if exposa devant la princesse le programme de sa journée. Dans une demi-heure, il se rendrait au manège du Palais Michel pour assister au razwod. Ensuite, il prendrait le thé chez sa cousine, la grande-duchesse Catherine, qui demeurait à côté. Il serait de retour vers trois heures moins un quart :

— Alors, continua-t-il, si cela te plaît, nous irons nous promener ensemble au Jardin d’été.

Elle acquiesça. Il fut convenu que, à trois heures moins un quart, elle l’attendrait, toute habillée pour sortir, le chapeau sur la tête.

Alexandre II quitta le Palais d’hiver, à midi quarante-cinq, dans un coupé qu’entouraient six cosaques du Térek ; un septième cosaque était sur le siège, à la gauche du cocher. Trois officiers de police, dont le colonel Dworjitsky, suivaient en deux traîneaux.

Selon une inviolable tradition qui remontait à Paul Ier, l’Empereur présidait, chaque dimanche, à la parade de la garde montante. Le cadre habituel de la cérémonie était un de ces vastes manèges, dont s’enorgueillissait la garnison de Pétersbourg et dans lesquels plusieurs escadrons pouvaient évoluer à l’aise. Une brillante suite de grands-ducs et d’aides de camp généraux escortait le Tsar. Les ambassadeurs, ayant un grade militaire, y étaient aussi conviés. Le général de Schweinitz, ambassadeur d’Allemagne, le comte Kalnoky, ambassadeur d’Autriche, et le général Chanzy, ambassadeur de France, étaient présents, ce jour-là.

Quand les troupes eurent défilé devant le souverain, il eut, pour tous les assistants, un sourire aimable ou un mot affectueux. Depuis longtemps, on ne lui avait pas vu l’air si calme et si dégagé.

Puis il se rendit au palais voisin, chez sa cousine préférée, la grande-duchesse Catherine, où il prit une tasse de thé. A deux heures et quart, il remonta en voiture et ordonna de rentrer vite au Palais d’hiver.

Comme pour l’aller, six cosaques chevauchaient autour du coupé, un septième était sur le siège, et les trois officiers de police en arrière, dans leurs traîneaux.