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Magdala n’a rien de commun avec Marie de Béthanie, sœur de Marthe et de Lazare. En outre, la venue de l’une de ces Maries en Provence ne repose que sur des rapprochements puérils, faits à une fort basse époque [1].

Croyez à mes sentiments les plus élevés.

E. RENAN.


La Vie de Jésus a vu le jour le mercredi 24 juin 1863. L’article de Sainte-Beuve sur le livre a paru le 7 septembre : il a été recueilli au tome VI des Nouveaux Lundis. C’est à cet article que répond la lettre suivante :


Saint-Pair, près Granville, 10 septembre 1863.

Cher et admirable maître,

Quel profond et délicieux article je viens de lire ! Vous savez, vous comprenez tout, vous voyez tout du premier coup d’œil avec une justesse, une sûreté qui m’émerveillent. La mesure exacte de ce qu’on sait, de ce qu’on ne sait pas, de ce qu’on entrevoit, les plus délicates pesées de la critique sont senties et devinées comme si vous aviez passé voire vie en ces études. En énumérant mes origines, vous n’omettez qu’un terme, c’est ce que je vous dois. Je sens fort bien que je ne fais qu’appliquer votre procédé à de plus vieilles histoires. L’analyse de la marche des grandes âmes, les nuances, les aperçus multiples comme la réalité elle-même, qui nous les a appris, si ce n’est vous ?

J’aurais été naïf si je ne m’étais attendu à de vives contradictions. Cependant, je l’avoue, ces colères passent mon espérance. Que je vous remercie de leur avoir dit qu’un jour peut-être ils seront heureux d’en appeler à ce qu’ils maudissent et que leurs vrais adversaires sont ailleurs !

Comme vous me le conseillez, je ne répondrai rien. Que pourrais-je dire qui vaille ce que vous avez dit ? Toutes ces injures me troublent d’ailleurs fort peu. On y sent si bien le parti pris, et puis tout cela est impuissant. Si j’étais polémiste, il faudrait procéder autrement. Mais je vous remercie vivement

  1. Dans son article sur Lacordaire (Nouveaux Lundis, t. IV, p. 405), Sainte-Beuve, en note, sans nommer Renan, cite presque toute cette lettre, en ajoutant : « Voilà le dernier mot de la critique impartiale. »