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Agréez, cher et illustre confrère, l’assurance de mes plus rares sentiments.

E. RENAN.


Peu après cette lettre, Renan envoyait à Sainte-Beuve l’opuscule tout intime qu’il avait consacré à la mémoire de sa sœur Henriette, et il accompagnait son envoi de la lettre que voici :


Paris, 1er janvier 1863.

Cher et illustre maître,

Ce petit opuscule n’a été écrit que pour satisfaire mes souvenirs et ceux du nombre imperceptible de personnes qui ont connu ma sœur. Ayant été amené cependant à le donner à quatre ou cinq amis qui ne l’ont connue que par moi, je me ferais scrupule de ne pas vous l’offrir.

Vous verrez tout d’abord qu’il est d’un caractère exclusivement privé, et nullement fait pour un public quelconque.

Croyez à mes plus rares sentiments d’admiration et de sympathie.

E. RENAN.


Sainte-Beuve répondit dès le lendemain : « Cher et aimable confrère, disait-il, quel beau présent ! On me disait à l’instant même qu’il existait, qu’il y avait telle chose de vous, et je me disposais à vous le demander. Vous m’avez prévenu. Je lis avec émotion ces pages si élevées et si tendres. Je n’avais pas eu l’honneur de connaître, mais j’avais vu la personne si chère dont vous consacrez ainsi la mémoire. C’est elle qui m’introduisit la première auprès de vous, et j’ai gardé un entier souvenir de sa physionomie et de son accent. Elle m’est restée présente. La voilà, grâce à vous, ne pouvant plus mourir !... »

A quelque temps de là, préparant un article sur Lacordaire (Nouveaux Lundis, t. IV), Sainte-Beuve écrivait à Renan : « Cher et illustre confrère, est-il admissible à aucun degré, que Marie-Madeleine ail pu venir en Provence et y mourir ? Je me dis que non ; je m’en croirai plus assuré quand votre science m’aura confirmé l’état de la critique historique sur ce point. Un simple mot : je ne désire qu’un éclair, sans fatigue de votre part... » (18 mars 1863). Renan répondit :


Paris, 18 mars (1863.]

Cher et illustre maître,

Il n’est admissible à aucun degré, même au moindre, que Marie de Magdala soit venue en Provence. D’abord, Marie de