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les cultes de Syrie. Nous les reverrons quelque jour, elles et bien d’autres, que je ne leur compare pas. (Je demeure frappé du ton avec lequel de jeunes officiers, me parlant de jeunes femmes malgaches, me disaient : « Elles font de gentilles compagnes pour les Européens. ») Tandis que cette mer frappe et caresse la rive rocheuse, pourquoi n’irions-nous pas dans l’infini du rêve ? Les souvenirs et les prévisions viennent luire doucement, comme à fleur d’eau, sur ma mémoire, légères images tôt dispersées, qui me laissent, dans la solitude de cette route battue par la mer syrienne, un mélange de crainte et de nostalgie. La grande sarabande des races et des dieux ne va-t-elle pas recommencer ?

Ainsi des problèmes innombrables me pressent ; mais il faut que, dans mon premier plaisir, au milieu d’un monde si poétique qui me grise, je résiste à l’assaut de mes impatiences. Je suis ici pour des semaines. Que j’y garde mon calme d’esprit, et je ne doute pas que, grâce à l’expérience de tous ces hommes que j’interrogerai, je ne puisse entrer dans l’intelligence des problèmes que j’ai vivement appelés et que maintenant je touche de la main.


MAURICE BARRÈS.