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Entre temps, j’ai visité l’École suisse, l’institution Girard et puis les écoles juives. »

Les Juifs tiennent une grande place dans la ville d’Alexandrie. Ils y forment un prolétariat très nombreux et très malheureux, chaque jour accru, et une petite aristocratie de riches, en général des sujets autrichiens anoblis par François-Joseph, et d’ailleurs généreux pour les œuvres françaises. J’ai visité l’École française israélite. Le baron de Menasce veut bien me faire les honneurs des écoles de l’Alliance israélite.

— Nos frais sont lourds, me dit-il ; une partie en est couverte par la location des logements que nous avons construits, sur le terrain même de nos écoles, en bordure de la rue.

Pour le surplus, il s’en charge. En effet, je lis dans toutes les salles cette inscription : « Les déjeuners sont offerts par M. le baron de Menasce, » et le rabbin l’appelle « Excellence. » Ces écoles coûtent 100 000 francs par an. Elles sont obligées de laisser dehors un millier d’enfants juifs, faute d’argent, et tous les jours il en arrive de nouveaux. C’est le fait de la fécondité et de l’émigration des Juifs qui débarquent ici de partout.

— Vous êtes certainement content, lui dis-je. Ils n’ont pas l’air d’être des révoltés.

— Oui, nous sommes contents, mais c’est cher. Nous avons les procédés les plus récents, tout ce qu’il y a de scientifique pour l’instruction. Continuellement nous recevons les propositions les plus avantageuses de l’Allemagne ; nous les repoussons ! Notre attachement est trop vif pour le pays qui, le premier, nous a donné l’égalité, nous a émancipés.

Et comme nous venons d’assister à une récitation française :

— Non, me dit-il, ne nous remerciez pas de leur apprendre le français ; ce n’est pas par chauvinisme, ce n’est pas notre rôle d’être chauvins ; c’est par intérêt, c’est pour leur donner un instrument dans la lutte pour la vie. Et puis, nous leur apprenons l’hébreu, comment diriez-vous, par nationalisme.

Je les ai priés immédiatement de réciter en chœur leur plus sainte prière hébraïque. Une belle chose d’entendre sur la terre d’Égypte ces petits juifs invoquer Adonaï.


Au sortir de cette audition et de ces longues visites contrastées, qui pourtant font une harmonie, je suis allé au musée, et