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Je rêve, mais voici la sœur.

— La Mère Supérieure, me dit-elle, est à Port-Saïd. On vient de lui téléphoner. Elle est prête à revenir, si elle peut espérer de vous rencontrer encore.

Je dis mon regret de ne pouvoir prolonger mon séjour et combien j’aurais été heureux de saluer la fille d’un de mes illustres prédécesseurs, Prévost-Paradol, dont l’Académie garde la mémoire.

La sœur a un mouvement charmant : « Comme notre Mère va regretter ! »

Et nous commençons de visiter la maison et les classes.

Deux petites filles de six à huit ans me récitent en dialogue la Cigale et la Fourmi. Il faut voir le petit geste de dédain : « Eh bien ! dansez maintenant. » Et elles dansent.

C’est ravissant de voir ces petites filles d’Orient accueillir et reproduire si vivement la fantaisie et la mélodie de l’Ile de France. Et c’est un plaisir dont on ne doit pas se lasser, car une des religieuses qui regarde avec moi cette scène gentille a des larmes dans les yeux. Ce sont des mamans éprises de ces petits bijoux.

J’ai demandé des chiffres.

— Combien, mesdames, avez-vous ici de musulmanes ?

— Vingt-trois.

— Et de grecques orthodoxes ?

— Cinquante-trois.

— Et de juives ?

— Seize. Au juste, nous avons à cette heure quatre-vingt-onze ottomanes, soixante et onze non ottomanes et dix françaises.

— Qui de vous est française, dis-je aux enfants ?

La religieuse intervient :

— Toutes, elles aiment la France.

— Oui, crient les enfants.

La dignité ici est d’aimer la France. J’admire l’exacte conformité qui s’établit dans une telle maison entre les sentiments des élèves et ceux des maîtres. Et c’est une remarque qui vaudra d’un bout à l’autre de mon voyage.

Nous continuons notre visite de classe en classe, et nous voyons toujours les plus charmantes révérences de toutes les races de l’Orient formées par nos religieuses aux manières de la