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On sait quel rôle immense jouent dans tout l’Orient l’arrosement des terres et la distribution des eaux. C’est l’objet depuis des siècles de la plus savante réglementation. Eh bien ! la distribution de la pensée européenne sur ces vieilles races, desséchées à la surface, c’est encore plus important et plus difficile. De quelle manière les pénétrer ? En vue de quelles productions ? Avec quels résultats ? Nous tâcherons de nous en faire une idée. Pour mon début, dans ces trois jours d’Alexandrie, je crois entrevoir comment chacune de nos congrégations a sa spécialité.

Ici, les Frères forment des employés pour les maisons de banque et de commerce et pour les diverses administrations. Les Jésuites, qui ont aussi des cours d’enseignement commercial, tiennent le premier rang pour la belle culture classique, et leur collège d’Alexandrie vaut, dit-on, nos meilleurs de France. Les Filles de la Charité joignent aux œuvres d’éducation une divine bienfaisance : leurs maisons de la Miséricorde et de Saint Vincent de Paul abritent de tout petits garçons (âgés de moins de sept ans), des orphelins, des orphelines, des nouveau-nés abandonnés, des pensionnaires gratuits ou payants, en tout 2 425 enfants, et j’ai vu devant leur porte la longue file des pauvres gens qui viennent dans leur dispensaire faire soigner gratuitement leurs yeux, leurs dents, toutes leurs misères. C’est bien beau, cet ensemble ! Quels régiments divers ! Quelle action variée et coopérante ! Quelle marche irrésistible de toutes les charités pour tous les besoins !

Pour apprécier l’humanité du catholicisme, la variété des ressorts qu’il met en usage et son ample générosité à l’égard de toutes les faiblesses spirituelles ou physiques, il faut passer, comme je viens de faire, des Filles de la Charité chez les Dames de Sion, qui élèvent ici princièrement les jeunes filles de la meilleure société.

C’est un sentiment charmé, quelque chose d’assez inexprimable que je garde de ma visite à leur pensionnat de Ramleh, J’y arrivai vers la fin du jour. Je fus d’abord introduit dans le parloir, et, tandis qu’on allait prévenir ces dames, je tombai en arrêt devant les deux portraits qui tout naturellement décorent cette pièce, les portraits des frères Ratisbonne, fondateurs de l’ordre de Notre-Dame de Sion.

Les curieuses figures, à la fois cléricales et juives, où la