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clause de style, je ne songeai plus à m’intimider. En revanche, jamais devant ces auditoires d’immense bonne volonté, je ne cessai de sentir, avec une acuité presque douloureuse, quelle tâche magistrale incombe aux véritables écrivains français. Que valons-nous, écrivains de cette heure ? Qu’avons-nous mis d’universel dans le trésor des lettres françaises ? Depuis un demi-siècle, il nous fallut travailler pour notre nation d’abord et sur des problèmes intérieurs. Mais ce n’est pas ici le lieu d’une méditation prolongée et je dois prendre la parole sur le thème le plus simple, où je me tiendrai dans toutes mes visites : « J’apporte à vos maîtres les respects et les remerciements de la France ; à vous, notre amitié. Nous vous donnons notre langue et tout ce qu’elle renferme de lumière et de sentiments. Nous ne vous demandons rien en échange, sinon vos cœurs. »

Acclamations, fanfares, drapeaux et vin d’honneur.

C’est une affaire formidable que les Frères des Ecoles chrétiennes d’Alexandrie ! Huit écoles comprenant un total de plus de 2 500 élèves, ottomans ou non-ottomans et de toutes les religions.

Je continuai mes visites, ce soir-là et le lendemain, chez les Jésuites, chez les Filles de la Charité, dans les écoles de l’Alliance israélite. Je ne veux pas obliger le lecteur à m’y suivre pas à pas. Ç’avait été ma première idée ; en 1914, j’allais dans le Levant pour me documenter auprès de nos éducateurs, et je voyais mon livre comme une suite d’interviews, auxquelles je voulais que le public assistât en tiers : ainsi chacun, me disais-je, sera persuadé d’heure en heure, en même temps que moi. Mais les maîtres et les élèves avec qui j’ai causé il y a huit ans, que sont-ils devenus aujourd’hui ? Leurs propos et leurs portraits, dont mes carnets sont couverts, risquent de n’être plus au point. Et puis, est-ce bien là ce qu’on attend de moi ? Me demande-t-on de mettre au jour toutes les substructions de ma pensée ? Le rapport de Maurice Pernot, que j’ai contrôlé sur les points où je suis passé, demeure un instrument incomparable, qui fournit à qui les désire des plus sûrs éléments de statistique. Quant à moi, ne ferais-je pas mieux, à l’aide des couleurs que j’ai notées chaque soir, dans la première fraîcheur de mon émotion, si je cherche à donner une idée du climat moral où vivent ces populations bigarrées, et si je tâche de montrer, selon mes forces, comment nos congrégations l’assainissent en y distribuant la pensée catholique de la France ?