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chrétiennes qui apportent au milieu de ces ferments une discipline supérieure !

Quel beau travail j’entreprends, et sur quel fond d’horizon ! Depuis des années, j’avais cette vocation. Je vais voir des âmes et des dieux ! Des âmes, j’en vois abondamment à la Chambre. Mais des dieux ! Puisse ce grand vent persistant de la mer, si léger et si fort, purifier mon esprit et l’ouvrir aux révélations que me promettent ces terres sacrées !


I. — UNE ESCALE À ALEXANDRIE

Voici la terre rose et jaunâtre d’Egypte, toute plate et disposée en croissant de lune, qui porte au ras de l’eau des cheminées éparses et quelques arbres groupés. Nous atteignons Alexandrie. Des Arabes chantent et rient en ramant dans le port. Les bons types, les braves gens ! Daignent les maîtres français que je vais visiter les maintenir en joie et ne pas écraser, sous une surcharge maladroite, leurs faciles espérances !

Je vais tout droit chez notre consul, M. de Riflye, lui demander que nous visitions les écoles.

Il me mène aux deux lycées de la mission laïque. Des bâtiments provisoires, aux portes de la ville, dans de vastes terrains sablonneux, où une simple barrière sépare le hangar des garçons du hangar des filles. Le proviseur, un inspecteur primaire du troisième arrondissement à Paris, un homme intelligent, simple et vrai, est peut-être arrivé ici avec des passions radicales et anticléricales, mais, sous la pression des faits, il a dû se rapprocher de ceux qu’il croyait venir combattre. Un modus vivendi s’est établi tout naturellement entre lui, les Jésuites et les Frères.

— Nous ne nous faisons pas concurrence, me dit-il. Chacun de nous a son terrain. Je n’ai pas pris un seul élève aux établissements congréganistes. Nous autres laïques, une clientèle nous attend ici, d’orthodoxes et de juifs de la classe moyenne (les grands juifs vont chez les Jésuites, et les plus humbles à l’école israélite).

Ce que me dit là ce proviseur, les directeurs des collèges congréganistes me le confirmeront bientôt. L’école laïque a sa clientèle propre. À côté des 6 660 enfants qui vont chez nos diverses congrégations, elle a groupé 268 garçons et 82 filles.