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cause les traités et le prestige des Alliés. A l’extrême Nord de la vieille Prusse, entre le Niémen inférieur, la mer Baltique et l’ancienne frontière de la Russie, s’étend un territoire triangulaire, dont Memel est le port et la principale ville, et auquel, par l’article 99 du Traité de Versailles, l’Allemagne renonce en faveur des Puissances alliées. Le fond de la population est lithuanien, surtout dans les campagnes ; à Memel et dans les principaux centres, les Allemands l’emportent ; les Lithuaniens des campagnes sont plus ou moins germanisés ; ils sont luthériens, tandis que la masse du peuple lithuanien est catholique. Le territoire de Memel sépare la Lithuanie de la mer ; Memel est, économiquement, le port de tout le bassin du Niémen, mais le régime allemand favorisait Kœnigsberg, tandis que le commerce russe allait à Liban ou à Riga. Les plénipotentiaires de Paris se proposaient deux objets : assurer à la Lithuanie et à la Pologne, qui se partagent le bassin du Niémen, dont le cours est internationalisé et ouvert au commerce de tous les peuples, un débouché maritime ; réunir à la Lithuanie des populations de même race. Mais ils croyaient, à cette époque, que la Lithuanie qui, depuis 1569, a été associée à la Pologne par l’union de Lublin, accepterait, tout en gardant l’autonomie qui lui a été promise, de s’unir à la Pologne par une alliance politique et économique qui serait, en effet, à l’avantage des deux pays. Par le territoire lithuanien, la Prusse entre en contact avec la Russie ; de là son importance ; elle est le pont entre la Russie des Soviets et l’Allemagne vaincue. On sait comment l’accord n’a pu se faire entre la Lithuanie et la Pologne, divisées par la question de Wilno que les Polonais ont occupé et que réclament les Lithuaniens ; le sage et équitable projet présenté par M. Hymans, au nom de la Société des Nations, fut rejeté par les Lithuaniens. Les influences allemandes sont très fortes dans l’État lithuanien ; le mouvement national, qui est en même temps antipolonais, est né parmi les Lithuaniens prussianisés et s’est développé, durant la guerre, par suite de la longue occupation du territoire par les armées allemandes. C’est l’intérêt évident de l’Allemagne que la Lithuanie et la Pologne ne puissent s’accorder, et la politique de M. Lloyd George, toujours défavorable à la Pologne, se trouva d’accord avec celle de l’Allemagne. Telles sont les raisons pour lesquelles jusqu’ici la Conférence des ambassadeurs ne s’est pas prononcée sur l’attribution définitive de Memel et de son territoire. Elle n’a reçu que le 21 dé cembre la réponse du Gouvernement de Kovno à un questionnaire rédigé par elle, et elle étudiait le problème avec le désir d’aboutir