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qu’à son commencement... Il faut que l’impérialisme français se porte à lui-même un coup mortel, ou nous sommes perdus. » La palme appartient à M. Théodor Wolff dans le démocrate Berliner Tageblatt ; il y parle de « la nation qui s’inspire exclusivement du droit du poing » et c’est de la France qu’il s’agit ! et il conclut : « La presse Northcliffe, pendant la guerre, appelait l’Allemagne le chien enragé de l’Europe ; nous ne songeons pas à appliquer au peuple français tout entier, aveuglé par ses dirigeants, une pareille épithète, mais elle paraît convenir à la clique démente des impérialistes français. » Faut-il que la politique, résolue et prudente, de M. Poincaré ait frappé juste pour que ces gens-là poussent de tels cris !

Ces violences calculées, ces froides calomnies, n’auraient-elles pas pour premier objet de surchauffer l’opinion du peuple allemand qui, — si l’on nous passe l’expression, — ne « marche » pas et s’aperçoit que ce ne sont pas ses intérêts qui sont en jeu, mais ceux de la même caste de profiteurs qui, une fois déjà, ont conduit l’Allemagne à la ruine. Même parmi les industriels de la Ruhr, il en est qui n’appartiennent pas à l’état-major de M. Stinnes et qui n’obéissent qu’à contre-cœur aux injonctions menaçantes du Gouvernement ; une politique d’accord avec la France et la Belgique leur parait plus favorable aux intérêts de la Ruhr et à ceux de l’Allemagne. Parmi les ouvriers, l’incertitude est encore plus grande ; la plupart n’aperçoivent pas la nécessité de se mettre en grève pour appuyer les protestations d’un patronat qui, en 1919, a durement réprimé, par la force et par le sang, les grèves provoquées par la défaite et la révolution ; jusqu’à l’heure où nous écrivons, le mouvement gréviste, triomphalement annoncé par la presse de Stinnes, n’a pas été sérieux. Au Reichstag, le parti social-démocrate est très divisé ; le 13, 61 socialistes ont voté pour le Gouvernement, 64 se sont abstenus, tandis que 14 quittaient la salle des séances. Le Chancelier n’a pas obtenu les pleins pouvoirs qu’il demandait et qui auraient fait du représentant de la grande industrie le dictateur de l’Allemagne. La grève généralisée, dans la Ruhr, ce serait l’arrêt de la production de la houille et, au bout de quelques jours, l’arrêt de toute l’industrie allemande avec ses terribles conséquences. L’Allemagne a besoin de 4 millions de tonnes par mois ; l’Angleterre peut à la rigueur lui en fournir un million ; des commandes sont déjà passées avec les compagnies minières d’Ecosse ; l’Allemagne, cette Allemagne qui se dit incapable de payer quoi que ce soit au compte des réparations, rassemble des devises étrangères pour payer le charbon britannique et