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tels que les signale M. Drieu La Rochelle et pour qui le salut de la France est le souci principal : universelle incertitude, la question posée au sujet de toutes les idées, la question catégoriquement résolue au sujet du patriotisme.

Il est un point sur lequel on voudrait convaincre d’erreur M. Drieu La Rochelle, un point d’une extrême importance à cause d’un grand nombre d’idées qui partent de là, divergentes et bientôt aventureuses.

Il a, dès son premier livre, marqué avec beaucoup de force, et d’une manière très frappante, comme la guerre, du jour au lendemain, séparait la France en deux : car il y eut les combattants et, d’un mot, tout le reste. Venus des différentes classes de la société française, les combattants furent tout aussitôt une caste. Privilégiée ? L’on sait la liste de ses privilèges : tout le péril, la fatigue et la mort. Seule à la peine, cette caste, et seule efficace.

M. Drieu La Rochelle a indiqué les caractères de ces deux générations : l’une qui a combattu et gagné la guerre ; et la génération précédente qui n’avait pas même préparé la guerre et qui n’avait pas préparé à l’idée ni aux travaux de la guerre ses fils trop peu nombreux. Une jeunesse a tout fait, a inventé de tout faire : elle a improvisé son génie, elle a bien accompli sa tâche soudaine.

Ces remarques sont justes ; et, plus encore qu’elles ne sont justes, elles sont légitimes. Voire, on se plaît à s’incliner devant cette fierté magnifiquement revêche.

Et pourtant !.... Quoi qu’il en soit des torts d’une génération française et quoi que puissent reprocher les combattants à leurs pères, n’allez pas, en conséquence de la rancune que voilà, interrompre la continuité française et croire que ces prodigieux improvisateurs, les combattants de la Grande Guerre, n’ont pas eu dans le passé français leurs préludes, les origines de leur vertu et la leçon de leur pensée. M. Drieu La Rochelle, dans son Etat civil, n’a-t-il pas lui-même noté l’influence qu’il a heureusement subie de l’épopée impériale, lui « petit fils de la défaite, » à qui les vainqueurs d’autrefois ont enseigné le désir et la volonté de la victoire ? Il accuse, et n’a pas tort, ses aînés d’avoir cédé à la hantise de la défaite jusqu’à bâtir sur le dépit de la défaite une idéologie de triste résignation. Il a raison ; et ce n’est donc pas une leçon de défaite acceptée que donne le passé de la France. La nouvelle génération des vainqueurs continue la France victorieuse.

La nouvelle victoire aussi entre dans une longue histoire, amplement