Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 13.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa santé ébranlée, les habitudes d’une vie dégagée d’entraves et de gêne, le rendent peu propre à la lutte ; or, il est hors de doute que, vu l’hostilité du comte Walewski, le ministre de Sardaigne à Paris, s’il veut agir, doit soutenir des combats sans cesse renouvelés, soit avec les ministres de l’Empereur, soit avec le corps diplomatique. Azeglio ne résisterait pas à cette vie une semaine.

Il y a d’ailleurs une considération fort grave qui s’oppose à l’envoi d’Azeglio à Paris. Sa présence à Rome est, je dirai, presque nécessaire. Ayant eu une immense influence en Toscane, et dans les Etats du Pape, il peut, selon qu’on le jugera convenable, hâter ou retarder les événements.

Enfin, je doute qu’un nouveau ministre puisse nous rendre dans ce moment de grands services à Paris. Quelque habile qu’il fût, il n’obtiendrait rien de Walewski. Si, irrité par son hostilité, il s’emportait avec lui, il gâterait, au lieu d’arranger, nos affaires. Quant à l’Empereur, je suis convaincu qu’il aime mieux avoir à faire avec Nigra qu’avec un nouveau venu. Me fondant sur les motifs que je viens d’exposer à Votre Altesse, je pense que le seul parti à prendre, si l’état actuel a de trop graves inconvénients, c’est d’engager Villamarina à demander un congé et de nommer Nigra ministre résident par intérim.

Dans l’hypothèse où l’Empereur crût convenable d’entamer avec l’Angleterre une véritable négociation, alors, je crois qu’il serait fort utile que je me rendisse moi-même à Paris. Mon absence de Turin aurait de très graves inconvénients, mais il faudrait savoir les subir pour empêcher que nous ne tombions dans les filets de la diplomatie.

Je prie Votre Altesse de vouloir bien me faire connaître son opinion sur ces idées qui sont aussi celles du Roi.

J’attends avec anxiété de connaître les propositions que Lord Cowley aura apportées à Paris. D’après quelques mots échappés à Hudson, et l’agitation qui règne à l’ambassade anglaise depuis quelques jours, j’ai lieu de croire que le cabinet de Londres tente d’agir directement sur les cours de Parme, Modène et Florence, pour les engager à renoncer à leurs traités avec l’Autriche. Pour parer ce coup, il faudra fomenter l’agitation dans ces pays, en Toscane surtout. Jusqu’à présent nous avons serré la bride au parti agissant ; maintenant, nous la lâcherons un peu, et je suis certain que des manifestations