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comme une onde et de hérisser tout à coup ses traits asiatiques. Au bureau, M. Donnay, entre Mgr Baudrillart et M. Chevrillon.

M. de Nolhac succédait à M. Boutroux, et il a traité son discours comme une biographie. Pour ce qui est de la philosophie de son prédécesseur, il a renvoyé au travail de M. Bourget, qui a reçu M. Boutroux il y a neuf ans, et qui a publié son étude dans les Nouvelles pages de critique. Ayant apaisé sa conscience d’érudit par cette référence, M. de Nolhac s’est entièrement consacré au dessein qu’il avait déterminé, et il a commencé son discours au 28 juillet 1845, où Émile Boutroux est né à Montrouge, pour l’achever le 22 novembre 1921, où le philosophe a quitté ce monde. Dans ce plan exact, il n’a point admis ces variations, ces fantaisies, ces maximes qui étaient encore de mode il y a vingt ans, qui faisaient briller l’orateur et qui soulevaient le brouhaha dans l’assemblée. Les harangues académiques sont aujourd’hui plus simples et, si l’on peut dire, plus sérieuses. On a renoncé à y débattre des idées. Nous vivons dans un temps où les faits sont si graves qu’ils ont détourné sur eux l’attention, cette forme embryonnaire du respect. Peut-être aussi, sans que nous y prenions garde» l’esprit de l’histoire se glisse-t-il dans toutes les sciences : ce qui veut dire que tout nous apparaît comme un perpétuel devenir. Le portrait d’un homme n’est plus que la somme de sa vie. Au surplus, en suivant la méthode de l’historien, M. de Nolhac a fait son propre métier. Enfin, il ne faudrait pas trop le prendre au mot. Tout en se défendant de parler philosophie, il a très bien montré, en quelques lignes, l’importance et la raison de la thèse célèbre sur la Contingence des lois de la nature. Et au total, avec beaucoup d’art et de goût, il a composé un très beau discours.

Il y avait plaisir à entendre enfin sous la coupole un homme qui fût aimé des Muses. J’entends des vraies, celles dont on sait le nom, et qui communiquent au langage une vertu divine. Uni en apparence, le discours de M. de Nolhac l’est à la façon d’un miroir qui achève en tableaux les sujets offerts par la nature. Cet ouvrage est la poésie même. Les images se succèdent sur cette eau transparente. On entrevoit dans le détour d’une phrase Émile Boutroux aidant son père à élever ses deux frères, et les menant, chaque matin, de Montrouge au Panthéon. Un peu plus loin, voici le groupe des élèves de Normale en 1865 : « Boutroux, long, maigre et correct, domine le groupe ; Patenotre, les yeux rieurs et les mains dans ses poches, s’appuie au mur avec nonchalance ; Maspero lève sa belle face volontaire, tandis que Gazier s’efface avec modestie, et qu’un peu à l’écart, en élégante redingote,