Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 13.djvu/691

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
RÉCEPTION
DE M. DE NOLHAC
A L’ACADÉMIE FRANÇAISE

La neige, qui, dans cette journée du 13 janvier, avait commencé de tomber vers midi, masquait de plaques jaunâtres les vitrages de la coupole. Un jour rare et froid flottait dans les hauteurs et descendait à peine jusqu’à la fourmilière des invités. Tout à coup des applaudissements : le général Gouraud, qui assiste pour la première fois à une réunion académique, vient de paraître à l’entrée du fond. La foule est nombreuse. Un groupe de dames écoutera debout, sur la hauteur qui domine la porte, — bataillon serré, intrépide, coiffé de turbans, hérissé de fourrures.

M. de Nolhac se faufile et demeure blotti, derrière la ligne verticale de son pupitre. Ses lunettes brillent dans l’ombre. Ses cheveux, qu’il coiffe à l’ordinaire en manchon, et qui vivent dans une grande liberté, ont été aplatis et étirés obliquement sur le front, qu’ils voilent avec un air de décence et de cérémonie. La barbe qui s’argente descend en pointe sur la nuit de l’uniforme boutonné, qui enveloppe l’académicien comme une douillette. La voix est extraordinairement claire, et M. de Nolhac se hausse encore à la percher sur le début des phrases. Il parle oratoirement, mais quelquefois la vivacité naturelle de sa conversation l’emporte, et il saccade une phrase. Il lit le nez sur son papier, une épaule contractée, le front ridé et un seul sourcil remonté. De part et d’autre de sa fluette personne, ses deux parrains sont comme des figures belles et graves. M. Barrès, les yeux creux et le masque espagnol, porte l’uniforme comme s’il posait pour un portrait de David. M. Bédier, immobile, ne peut empêcher la pensée de passer