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parti de la République rhénane et de son fondateur. Cette déclaration est accueillie avec enthousiasme. Les cris de : « Vive la Belgique ! » fusent de tous les côtés. Mais voici qu’un des membres de l’état-major de Smeets se lève à son tour, comme mû par un mouvement irrésistible : « Vive la France ! » clame-t-il, avec un accent d’une rare vigueur. Quelques cris lui répondent, assez éparpillés... L’instant est pénible pour nous. L’assemblée a été surprise, évidemment. Elle est désorientée. Elle sait fort bien qu’il y a là des Français : Smeets l’a dit lui-même, dans les termes les plus flatteurs. Pourquoi ne prennent-ils pas la parole ? N’y en a-t-il pas un qui, lui aussi, dira quelques mots de sympathie à ces braves gens ? Je crois que je n’ai jamais mieux senti la rigueur de certaines consignes et l’amertume de certains sacrifices. A côté de moi, une jeune femme, une Française venue de Mayence s’indigne, frémit, et des larmes montent à ses yeux. Son mari la calme en appuyant sur son bras une main un peu crispée : « Que veux-tu ! murmure-t-il, c’est toujours la politique d’entre chèvre et chou... »

Et comme le silence s’est fait, un appel au président est lancé par un homme qui s’est dressé au centre du balcon. La parole lui est donnée aussitôt : « Je suis, dit-il, le délégué d’une commune de la rive droite et je suis venu vous dire que, de l’autre côté du fleuve, nous pensons comme vous, nous sommes avec vous de cœur, comme nous le serons, de fait, au moment de l’action. Croyez-en un homme qui sait qu’il sera arrêté par les Prussiens quand il reviendra chez lui, car mon pays n’est pas dans la zone d’occupation et personne ne nous protège... »

Toute la salle est debout. On acclame avec une émotion profonde ce citoyen courageux. Ses derniers mots se perdent dans le tonnerre des applaudissements, et il se rassied, paisible, tandis qu’autour de lui on se presse pour lui serrer la main...


Il faut conclure cependant, c’est-à-dire voter. Voici les quatre résolutions principales que Smeets fait adopter, — à l’unanimité, — par le Congrès :

1° Suppression du poste de haut-commissaire d’Empire à Coblence ; remplacement des fonctionnaires prussiens par des fonctionnaires rhénans ; représentation rhénane auprès de la Haute-Commission interalliée.

2° Interdiction dans les territoires occupés des journaux