Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 13.djvu/672

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ouest, à sa vraie place, est la capitale des Mandingues (ciutat del Melli) en plein Soudan (Sudam).

Le planisphère de Mecia de Viladestes figure en 1413 une seconde piste, à peine estompée dans l’Atlas catalan, la route de l’Est par In-Salah, alias Ksar-el-Kebir, le principal des ksours de l’oasis, le Hoggar et un point d’eau célèbre qui n’est omis aujourd’hui sur aucune carte, la montagne d’In-Ziza.

Une troisième route transsaharienne, celle de l’Ouest, est relevée dans une autre carte catalane du milieu du XVe siècle, conservée à la bibliothèque de Modène ; la piste va du Sous à la capitale des Mandingues par Tameskroud (Masquarota), Tagaost (Tagost) et Tichit de l’Adrar (Teget) : la région de Màli est si déficitaire en sel, dit la légende, qu’on obtient pour une charge de sel une charge d’or : « La partida del Melli es freturosa de sali, dien que per un carech de sali avem un carech d’or. » Le planisphère est anonyme.

Ni Abraham Cresques, ni Jaffuda Cresques n’ont signé leurs œuvres. Nous ne possédons même aucune carte majorquine signée d’un nom hébraïque. Et pourtant, il n’en est peut-être pas une qui n’émane d’un Juif. Une rafale de mort avait soufflé en 1391 sur les ghettos d’Espagne. Forcés de se courber sous l’ouragan des émeutes populaires, de nombreux Juifs avaient accepté le baptême. Jaffuda Cresques était devenu Jayme Ribes. Sa mère appelée Cedatar, comme une des jeunes Juives venues en 1247 du Tafilelt, avait pris le nom d’Anna. Un fils de Cresques, Haym haven Crisch ou Ibn Cresques, avait reçu comme patronage, le nom d’un jurisconsulte catalan, Juan de Vallsecha, qu’illustrera en 1439 un nouveau cartographe, Gabriel de Vallsecha. Mecia de Viladestes était un Juif converti : et toutes les signatures des cartes médiévales sorties de l’école majorquine, Soleri, Roselli, Oliva, se retrouvent dans la liste des Juifs convertis en 1391.

La reconstitution de cette école cartographique des Juifs de Majorque m’a été grandement facilitée par Sa Majesté Fouad Ier, roi d’Egypte. Grâce à sa protection éclairée, j’ai pu préparer un corpus de cartes et d’atlas médiévaux disséminés jusqu’ici dans de multiples bibliothèques et dont la reproduction permettra de suivre la découverte progressive de l’Afrique [1]. L’école major+uine

  1. La Découverte de l’Afrique au Moyen-âge : cartographes et explorateurs, paraîtra au Caire en 1925 par les soins de l’Institut français et de la Société de Géographie du Caire.