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boucles d’or et se barbouillaient du sang d’esclaves données par le roi mandingue, un médecin égyptien prescrivait un purgatif à l’anis au berbère Ibn Batouta que les festins d’hospitalité avaient rendu malade.

La ville n’est plus ; elle a eu le sort de ses rivales Ghana et Koukyia. De Koukyia, capitale de l’Empire songhaï en aval de Gao, des stèles funéraires ont sauvé l’emplacement de l’oubli. Mali, elle, ne peut être repérée que grâce au récit d lbn Batouta. Non loin de la rivière Sansarah dont il parle, Binger et plus tard le lieutenant Desplagnes ont retrouvé, sur les deux rives d’un marigot voisin de Nyamina, des ruines imposantes, amoncellements de pierres éboulées, traces de constructions en argile et, tout autour, le mur d’un tata dont les soubassements de pierre se distinguaient nettement au milieu d’une végétation luxuriante. A ces ruines informàs, les indigènes donnent encore le nom de Niani-Madougou, « Palais royal de Niâni. » Pourquoi ce nom ?


IV. — L’ART EUROPÉEN AU SOUDAN ET EN ÉTHIOPIE AUX XIVe-XVe SIÈCLES

Mali, la capitale des « hommes de l’hippopotame » (Mâlinké), avait hérité de la renommée de Ghana, capitale des « Aigles blancs » (Oua-Koré), en même temps que de ses dépouilles, et notamment de sa monstrueuse pépite d’or. L’art, et jusqu’à un certain point les modes d’Europe avaient pénétré jusque-là, à une centaine de journées de marche de la côte méditerranéenne. La première relation du voyage d’un Européen au Soudan, écrite par Raymond Lull à Montpellier en avril 1305, en est l’indice. Quand il donnait audience, le roi ou mensa de Mali était vêtu d’une tunique rouge de fabrique européenne, tel que le figurent les planisphères catalans de l’époque, couronne en tête et une pomme d’or en mains, et son parasol de soie, au sommet duquel un épervier d’or étendait les ailes, n’était certainement point de facture indigène. Mais nous pouvons être plus précis.

Lors de son pèlerinage à la Mecque en 1324, Moussa Ier, roi de Mali, le Napoléon du désert, dont la souveraineté s’étendait depuis la forêt dense du Sud jusqu’aux portes de Ghadamès et de Ouargla, jusqu’à Tombouctou, Gao et Agadès, avait fait