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un peu plus au Sud du Sahara, a remplacé comme centre d’extraction. La manière d’y débiter le sel gemme n’a pas changé. Les couches stratifiées sont taillées en barres d’une coudée sur trois, telles de grandes dalles de marbre blanc veiné de gris. On les enjolive de dessins, de marques de propriétaires, de noms de saints de l’Islam ; on les barde de lanières de cuir ; et ainsi habillées, on les hisse à dos de chameau.

On les portait au XIIe siècle, du temps d’Edrisî, vers « la ville la plus considérable, la plus peuplée et la plus commerçante du pays des noirs, » qui devait sa célébrité à deux curiosités : un château-fort construit en 1116 et orné de peintures et de sculptures, une pépite d’or du poids de vingt cantares à laquelle le Roi attachait son cheval. Cette ville était Ghana, que traversaient, les jours de fête, des défilés d’éléphants, de girafes et d’animaux soudaniens dont se corsait le cortège royal. Tiare en tête, les vizirs à ses pieds et des pages, épées nues, autour de lui, avec une garde de chiens aux colliers d’or, le roi nègre, le ghana, comme on l’appelait parfois, donnait audience à ses sujets : les fétichistes se prosternaient la tête dans la poussière et les musulmans battaient des mains.

Ghana fut détruite en 1240 par l’empereur-mandingue Soundiata, et si bien anéantie qu’on ne sait trop où sont ses ruines. Les divergences des géographes arabes ne sont point pour dissiper notre incertitude. Ghana était-elle à cheval sur le Niger, comme le dit Edrisi, ou à quatre journées du fleuve, dans l’Aoukar, comme le disent El Bekri et Yakout ? Une récente exploration de M. Bonnel de Mézières semble avoir résolu la question. La ville double dont parlent les géographes arabes, — le quartier musulman aux douze mosquées et le bocage royal avec son château, ses huttes et ses massifs peuplés d’idoles et de tombeaux, — aurait été dans l’Aoukar, non loin d’Oualata, où subsistent des vestiges d’une civilisation disparue. M. Bonnel de Mézières a reconnu les ruines d’une ville échelonnée en gradins, avec rues, places, puits, avenue et nécropoles d’une architecture remarquable, tel un petit temple à sextuple enceinte ornée de colonnes à l’antique. A ce lieudit de Koumbi, où l’on découvre encore des perles et des bijoux, les Maures ont conservé le nom de Ghânata.

Oualata lui succéda comme étape. Il en est question dans la relation du Berbère Ibn Batouta, un grand voyageur revenu de