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cujusdam littere per Antonium Malfante a Tueto scripte Janue Johanni Mariono, 1447. A la veille de perdre le contact avec les colonies prospères de la Mer-Noire, Trébizonde, Sébastopol el Balaclava, où elle ne pouvait plus accéder qu’avec des licences turques chèrement achetées par des complaisances humiliantes, la République génoise cherchait ailleurs des débouchés : et c’est ainsi qu’un de ses émissaires parvint fort avant à l’intérieur de l’Afrique, un demi-siècle avant qu’un Génois découvrit un Nouveau Monde.

Nous ne savons rien de Malfant ou Malfante, pas même sa nationalité. Des recherches que j’ai faites l’an passé dans les archives de Gênes, n’ont rien donné sur lui. Nous ne le connaissons que par sa relation de voyage, où il apparaît comme un marchand. Ecoutez-le : « L’endroit où nous sommes comprend dix-huit quartiers enclos dans une muraille unique et gouvernés par un pouvoir oligarchique. Chaque chef de quartier défend, envers et contre tous, ses ressortissants. Les quartiers sont attenants et très jaloux de leurs prérogatives. Les voyageurs de passage deviennent aussitôt les clients de l’un de ces quarteniers qui les défend jusqu’à la mort. Aussi les marchands se trouvent-ils en complète sécurité, je veux dire en beaucoup plus grande sécurité que dans les Etats monarchiques comme Tlemcen et Tunis... » Telle était, telle est encore la ville de Tamentit, la capitale du Touat. Elle a toujours son enceinte flanquée de tours, qui enveloppe des quartiers nettement tranchés, aux rues étroites : et c’était, au commencement du XXe siècle encore, une république administrée par une djemaâ de notables et un cheik.

Malfant était le premier chrétien qu’on y voyait. Et les gens de s’exclamer, stupéfaits qu’il n’eût pas la figure contrefaite « Mais il a le même visage que nous ! » La curiosité s’émoussa vite, et le Génois put circuler librement, sans jamais entendre la moindre parole malsonnante.

Lui-même avait plus d’un sujet d’étonnement. Au milieu du désert d’Afrique, il voyait surgir soudain l’antagonisme de deux peuples que l’Histoire Sainte plaçait en Asie : « Ici, les Juifs abondent, écrivait-il ; leur vie s’écoule en paix sous un gouvernement oligarchique où chaque chef défend ses clients : aussi mènent-ils une vie sociale très douce... Mais ils ont des ennemis acharnés dont ils n’osent traverser le territoire, les Philistins. »